Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/65

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rien, absolument rien de Britannique. C’était bien la Suisse elle-même, la Suisse vivante, la vieille Suisse : son dos avait la forme et la largeur d’un gros coussin, ses respectables jambes étaient deux montagnes. Elle portait au cou et sur la poitrine un fichu de velours vert qui retenait tant bien que mal les richesses de son embonpoint, de grands pendants d’oreilles en cuivre doré, et sur la tête un voile, en gaze noire, étendu sur un treillis de fer.

— Mademoiselle Marguerite, — dit Obenreizer à sa nièce, — vous rappelez-vous ce gentleman ?

— Je crois, — dit-elle en se levant un peu confuse, — je crois que c’est Monsieur Vendale ?

— Je crois, en effet, que c’est lui, — fit Obenreizer d’une voix dure. — Permettez-moi, Monsieur Vendale, de vous présenter à Madame Dor.

La vieille dame, qui avait passé un de ses gants dans sa main gauche, se leva, regarda par-dessus ses larges épaules, se laissa retomber sur sa chaise, et se remit à frotter.

— Madame Dor, — dit Obenreizer en souriant, — est assez bonne pour veiller ici aux déchirures et aux taches. Madame Dor vient en aide à mon désordre et à ma négligence, c’est elle qui me tient propre et paré.

Au même instant, Madame Dor, ayant levé les yeux, aperçut une tache sur Obenreizer et se mit à le frotter violemment. George Vendale prit place auprès du métier à broder de Mademoiselle Marguerite ; il jeta un regard furtif sur la croix d’or qui plongeait dans le corsage de la jeune fille. Il rendait mentalement à Mar-