Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/82

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Porto de quarante-cinq ans, et Bintrey ne se faisait point faute de le trouver excellent comme à l’ordinaire. Plus le rusé compagnon voyait se dessiner nettement, à travers la liqueur dorée, le chemin qu’il fallait suivre, plus il persistait à déclarer énergiquement qu’il n’y avait rien à faire, et, tout en remplissant et vidant son verre, il répétait :

— Pas d’issue !… pas d’issue !…

Et maintenant, qui pouvait nier que le projet de Wilding de faire son testament au plus vite, ne provînt encore de l’excessive délicatesse de sa conscience (bien qu’au fond du cœur, il éprouvât aussi quelque soulagement involontaire dans la perspective de léguer son embarras à autrui, car telle était son intention). Il poursuivit donc ce nouveau projet avec une ardeur extraordinaire et ne perdit point de temps pour faire prier George Vendale et Bintrey de se rendre au Carrefour des Éclopés, où il allait les attendre.

Lorsqu’ils furent tous trois réunis, les portes bien closes, Bintrey prit la parole, et s’adressant à Vendale :

— Tout d’abord, — dit-il d’un ton solennel, — avant que notre ami (et mon client) nous confie ses volontés à venir, je désire préciser clairement ce qui est mon avis, ce qui est aussi le vôtre, Monsieur Vendale, si j’ai bien compris les paroles que vous m’avez dites, et ce qui serait d’ailleurs, l’avis de tout homme sensé. J’ai conseillé à mon client de garder le plus profond secret sur cette affaire. J’ai causé deux fois avec madame Goldstraw, une fois en présence de Monsieur Wilding, l’autre fois en son absence. Si