Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. Dorrit rougit de ce qu’on aurait pu le soupçonner d’avoir entretenu une pareille idée. Mme Général salua avec sa gravité habituelle.

« Je ne saurais donc, reprit-elle, mettre un prix à des services que ce sera un plaisir pour moi de rendre, si je puis les rendre spontanément, mais qu’il me serait impossible de rendre en échange d’une simple considération pécuniaire. J’ignore, d’ailleurs où et comment trouver une position analogue à la mienne. Elle est exceptionnelle.

— Sans doute. Mais alors (insinua, non sans raison, M. Dorrit), comment savoir à quoi s’en tenir sur ce sujet ?

— Je ne m’oppose pas, répondit Mme Général… bien que cela me soit assez désagréable… à ce que M. Dorrit demande à mes amis, en confidence, quelle somme ils ont l’habitude de déposer, chaque trimestre, chez mon banquier. »

M. Dorrit s’inclina, pour toute réponse.

« Permettez-moi d’ajouter, continua Mme Général, que dorénavant je n’ouvrirai plus la bouche là-dessus. Je dois aussi vous prévenir que je n’accepterai aucune position inférieure ou secondaire. Si je dois avoir l’honneur d’être présentée à la famille de monsieur Dorrit… je crois que vous avez parlé de deux demoiselles ?…

— Deux demoiselles.

— … Ce ne sera que sur un pied d’égalité parfaite, en qualité de compagne, de protectrice, de mentor et d’amie. »

Nonobstant le sentiment qu’il avait de sa propre importance, M. Dorrit sentit que Mme Général serait bien bonne d’entrer chez lui, même aux conditions énoncées. Il en parla presque dans ces termes à la dame.

« Je crois, répéta celle-ci, que vous avez parlé de deux demoiselles ?

— Deux demoiselles, répéta M. Dorrit à son tour.

— Dans ce cas, poursuivit la veuve de l’intendant militaire, il serait nécessaire d’ajouter un tiers en sus de la somme que mes amis ont coutume de déposer chez mon banquier. »

M. Dorrit s’empressa d’adresser cette délicate question au veuf ; et, ayant découvert qu’il plaçait trois cents livres sterling par an au crédit de Mme Général, il en conclut, sans être obligé de se livrer à des calculs bien compliqués, qu’il faudrait payer quatre cents livres les services de cette dame. Mais, comme la veuve était un de ces articles extra-brillants qu’on ne saurait payer trop cher, M. Dorrit lui demanda formellement l’honneur et le plaisir de la compter désormais au nombre des membres de sa famille. Mme Général lui avait accordé ce précieux privilège et voilà pourquoi nous la rencontrons au couvent du grand Saint-Bernard.

Extérieurement, Mme Général, y compris ses jupes, qui entraient pour beaucoup dans la configuration de sa personne, était d’un aspect digne et imposant ; ample et gravement volumineuse, elle était