Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une couche de cendres humides, brûlait dans la cheminée ; le lit était recouvert de la même draperie funéraire ; la maîtresse de la maison, immobile sur le lugubre canapé qui avait l’air d’un cercueil, s’appuyait sur le sombre traversin qui ressemblait à un billot.

Cependant il régnait dans la chambre un je ne sais quoi impossible à décrire qui semblait annoncer qu’elle avait été arrangée tout exprès pour recevoir une visite. D’où pouvait naître cette impression, puisque les moindres objets se trouvaient exactement à la place qu’ils occupaient depuis tant d’années ? C’est ce que personne n’aurait pu deviner avant d’avoir regardé avec attention la maîtresse de la maison, et encore aurait-il fallu posséder une connaissance préalable des traits de la paralytique. Pourtant, quoique nul pli de son invariable robe noire n’eût changé de place, quoiqu’elle conservât exactement l’attitude impassible qui lui était ordinaire, la tension presque imperceptible de ses traits, la contraction presque imperceptible de son front toujours sombre, étaient tellement marquées qu’elles semblaient rayonner sur tout son entourage.

« Qui sont ces gens ? Que viennent-ils faire chez moi ? demanda-t-elle d’un ton de surprise en voyant entrer les deux compagnons de M. Blandois.

— Qui sont ces gens ? chère madame, répondit Rigaud. Ma foi, ce sont les amis de votre fils le prisonnier. Ce qu’ils viennent faire chez vous ? sacrebleu, madame, je n’en sais rien, vous pouvez bien le leur demander.

— Vous savez que vous nous avez dit à la porte de ne pas nous en aller, remarqua Pancks.

— Et vous savez, vous, que vous m’avez dit que vous n’aviez pas la moindre envie de vous en aller, riposta le gentilhomme cosmopolite. En un mot, chère madame, permettez-moi de vous présenter deux espions aux gages de notre ami le prisonnier… deux imbéciles, mais deux espions ; l’un n’empêche pas l’autre. Si vous tenez à ce qu’ils assistent à notre petite conférence, vous n’avez qu’un mot à dire. Pour ma part, ça m’est égal.

— Et pourquoi les ferais-je rester ? demanda Mme Clennam. Je n’ai pas affaire à eux.

— Alors, très-chère madame, continua Rigaud, qui se jeta dans un fauteuil de façon à faire trembler le plancher et tous les meubles de la vieille chambre, vous ferez aussi bien de les renvoyer. Cela vous regarde. Ces messieurs ne sont pas mes espions. Je n’ai pas de canaille à mes gages, moi.

— Écoutez ! Vous Pancks, vous le commis du vieux Casby, dit Mme Clennam en tournant vers le remorqueur un regard irrité, occupez-vous de vos propres affaires ou de celles de votre patron. Allez, et emmenez cet homme avec vous.

— Merci beaucoup, madame, répliqua M. Pancks, je suis enchanté de pouvoir vous dire que je n’ai aucune raison qui m’empêche de me retirer. Nous avons fait tout ce que nous nous étions