Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/381

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« Je crois, Arthur, que vous pourrez vous passer de Mère et de moi demain matin ; nous resterons donc chez nous. Mère ne pourrait pas s’empêcher de penser tout de suite à Chérie, et vous savez comme elle a le cœur tendre. Elle sera mieux là-bas, à Twickenham, où je resterai pour lui tenir compagnie. »

Sur ce, ils se séparèrent pour le moment. Et le jour toucha à sa fin et la nuit s’écoula, et le jour reparut et la petite Dorrit, aussi simplement mise que d’habitude, rentra dans la prison avant les premiers rayons du soleil, sans autre compagne que Maggy. La pauvre chambre était bien heureuse ce matin-là. Où aurait-on pu en trouver une, dans le monde entier, où régnât une joie plus tranquille ?

« Mon cher amour, dit Arthur, pourquoi donc Maggy allume-t-elle le feu ? nous allons partir tout de suite.

— C’est moi qui lui ai dit de l’allumer… Il m’est venu une idée bizarre. Je veux vous prier de brûler quelque chose pour moi.

— Quoi donc ?

— Ce papier ployé en quatre. Si vous voulez bien le jeter au feu de votre propre main, tel qu’il est ; vous aurez contenté mon caprice.

— Vous êtes donc superstitieuse, ma petite Dorrit ? Est-ce un talisman ?

— C’est tout ce que vous voudrez, mon ami, répondit-elle, tandis que ses yeux riaient et qu’elle se dressait sur la pointe des pieds pour l’embrasser, pourvu que vous consentiez à m’obéir dès que le feu sera pris. »

Ils restèrent devant la cheminée, observant le feu ; Clennam avait passé le bras autour de la taille de sa petite fiancée ; le feu brillait, comme il avait souvent brillé au temps jadis, dans les yeux de la jeune fille.

« Flambe-t-il assez maintenant ? demanda Arthur.

— Oui, répondit la petite Dorrit.

— Faut-il prononcer quelques paroles magiques dessus ? demanda encore Arthur, en approchant le papier de la flamme.

— Vous pouvez dire : « Je t’aime !… » si cela ne vous contrarie pas trop, » répliqua la petite Dorrit.

Il prononça donc ces trois paroles magiques, et le papier flamba.

Ils traversèrent tranquillement la cour, car il ne s’y trouvait personne, bien que plus d’un détenu les regardât à la dérobée caché derrière les rideaux. Dans la loge, ils ne rencontrèrent qu’un seul guichetier : c’était une vieille connaissance. Lorsqu’ils lui eurent tous deux adressé de bonnes paroles, la petite Dorrit se retourna une dernière fois, et lui dit en lui tendant la main :

« Adieu, mon bon John ! J’espère que vous serez heureux, mon ami. »

De la prison ils se rendirent directement à l’église voisine et s’avancèrent vers l’autel, où Daniel Doyce, en sa qualité de père de la mariée, les attendait déjà. Là se trouvait aussi un autre ami