Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/39

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confier, parce que je sais que si quelqu’un peut les comprendre c’est vous qui les comprendrez… parmi toutes ces pensées, il en est une qui ne me quitte presque jamais… qui ne me quitte jamais : c’est l’espoir que, dans vos tranquilles moments de loisir, vous pensez quelquefois à moi. Je dois vous avouer que depuis mon départ, j’éprouve à ce sujet une inquiétude que je désire beaucoup, beaucoup, voir dissiper. Je crains qu’en songeant à moi vous ne me voyiez sous un nouveau jour, remplissant un nouveau rôle. N’en faites rien, car je ne puis me résigner à cette idée… vous ne sauriez vous imaginer combien cela me rendrait malheureuse. Cela me briserait le cœur de penser qu’en songeant à moi, vous puissiez me croire plus étrangère à vous que je ne l’étais du temps où vous aviez tant de bontés pour moi. Ce que j’ai à vous demander en grâce, c’est de ne jamais penser à moi comme à la fille d’un homme riche ; de ne pas penser à moi comme à quelqu’un qui s’habille mieux ou qui vit mieux qu’à l’époque où vous l’avez connue. Ne vous souvenez que de la petite fille pauvrement vêtue que vous avez protégée si tendrement, dont vous n’avez pas craint de toucher la robe usée pour en exprimer la pluie, et dont les pieds mouillés se sont séchés à votre feu. Songez à moi (quand vous aurez le temps d’y songer), à mon affection sincère, à ma reconnaissance dévouée, comme vous songiez autrefois à

« Votre pauvre enfant,
« La petite Dorrit. »

« P. S. Surtout N’oubliez pas que vous ne devez pas être inquiet à propos de Mme Gowan. Elle est très-heureuse et se porte à merveille, ce sont ses propres paroles. Et elle était si jolie ! »




CHAPITRE V.

Il y a quelque chose qui cloche quelque part.


Il y avait un ou deux mois que la famille Dorrit habitait Venise, lorsque William Dorrit, qui fréquentait tant de comtes et de marquis qu’il n’avait presque plus de temps à lui, réserva pourtant une certaine heure d’un certain jour pour tenir conférence avec Mme Général.

Au jour et à l’heure fixés par lui, il expédia M. Tinkler, son valet de chambre, vers l’appartement de Mme Général (lequel aurait absorbé, pour la place, un tiers environ de la prison de la Maréchaussée), avec ordre de présenter ses compliments à cette dame et