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GRILLON DU FOYER.

— Je ne l’ai jamais ressentie, s’écria la jeune aveugle. Je ne l’ai jamais ressentie, du moins d’une manière complète, non jamais. J’ai quelquefois souhaité de vous voir, et de le voir, lui… vous voir une fois seulement, mon cher père, seulement pendant une minute, afin de pouvoir connaître le trésor que j’ai ici, dit-elle en posant sa main sur son cœur, et être assurée que je ne me trompe pas… Et quelquefois, ― mais j’étais une enfant à cette époque, ― j’ai pleuré pendant que je priais la nuit, en pensant que vos chères images qui montent de mon cœur au ciel pourraient ne pas avoir votre ressemblance. Mais je ne suis pas restée longtemps inquiète pour cela. C’est passé maintenant, et je me sens tranquille et contente.

— Et vous le serez encore, dit Caleb.

— Mais, père ! mon bon et tendre père, supportez-moi, si je suis coupable, dit la jeune aveugle, ce n’est pas le chagrin qui m’affecte de cette manière.

Son père ne put s’empêcher de pleurer, elle avait parlé d’un ton si pathétique ! Mais il ne la comprenait pas, non, pas encore.

— Conduisez-la vers moi, dit Berthe. Je ne puis garder ce secret renfermé en moi-même. Amenez-la-moi, mon père.

Elle comprit qu’il hésitait, et lui dit : ― May, amenez-moi May.

May en entendant prononcer son nom vint vers