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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/136

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ractère. Elle est la cause de bien des peines, il est vrai ; mais c’est aussi une consolation de sentir qu’on la possède. »

Ici, nouvel éclat de sentiments.

Miss Havisham et moi ne nous étions pas arrêtés une seule minute pendant tout ce temps : tantôt faisant le tour de la chambre, tantôt frôlant les vêtements des visiteurs, et tantôt encore mettant entre eux et nous toute la longueur de la lugubre pièce.

« Voyez, Mathew ! dit Camille. Il ne fraye jamais avec mes parents et s’inquiète fort peu de mes liens naturels ; il ne vient jamais ici savoir des nouvelles de miss Havisham ! J’en ai été si choquée, que je me suis accrochée au sofa avec le lacet de mon corset, et que je suis restée étendue pendant des heures, insensible, la tête renversée, les cheveux épars et les jambes je ne sais pas comment…

— Bien plus hautes que votre tête, mon amour, dit M. Camille.

— Je suis resté dans cet état des heures entières, à cause de la conduite étrange et inexplicable de Mathew, et personne ne m’a remerciée.

— En vérité ! je dois dire que cela ne m’étonne pas, interposa la grave dame.

— Vous voyez, ma chère, ajouta miss Sarah Pocket, une doucereuse et charmante personne, on serait tenté de vous demander de qui vous attendiez des remercîments, mon amour.

— Sans attendre ni remerciements ni autre chose, reprit Camille, je suis restée dans cet état, pendant des heures, et Raymond est témoin de la manière dont je suffoquais, et de l’inefficacité du gingembre, à tel point qu’on m’entendait de chez l’accordeur d’en face, et que ses pauvres enfants, trompés, croyaient entendre rou-