Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/229

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départ, de rendre Joe plus convenable, mais après ce qui vient de se passer, je ne te demande plus rien. Je suis extrêmement peiné de te voir ainsi, Biddy, répétai-je, c’est… c’est un des vilains côtés de la nature humaine.

— Que tu me blâmes ou que tu m’approuves, repartit Biddy, tu peux compter que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir, et, quelle que soit l’opinion que tu emportes de moi, elle n’altèrera en rien le souvenir que je garderai de toi. Cependant, un monsieur comme tu vas l’être ne devrait pas être injuste, » dit Biddy en détournant la tête.

Je redis encore une fois avec chaleur que c’était un des vilains côtés de la nature humaine. Je me trompais dans l’application de mon raisonnement, mais plus tard, les circonstances m’ont prouvé sa justesse, et je m’éloignai de Biddy, en continuant d’avancer dans la petite allée, et Biddy rentra dans la maison. Je sortis par la porte du jardin, et j’errai au hasard jusqu’à l’heure du souper, songeant combien il était étrange et malheureux que la seconde nuit de ma brillante fortune fût aussi solitaire et triste que la première.

Mais le matin éclaircit encore une fois ma vue et mes idées. J’étendis ma clémence sur Biddy, et nous abandonnâmes ce sujet. Ayant endossé mes meilleurs habits, je me rendis à la ville d’aussi bon matin que je pouvais espérer trouver les boutiques ouvertes, et je me présentai chez M. Trabb, le tailleur. Ce personnage était à déjeuner dans son arrière-boutique ; il ne jugea pas à propos de venir à moi, mais il me fit venir à lui.

« Eh bien, s’écria M. Trabb, comme quelqu’un qui fait une bonne rencontre ; comment allez-vous, et que puis-je faire pour vous ? »