Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/234

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« Certainement… »

Là-dessus, M. Pumblechook me prit de nouveau les deux mains, et communiqua à son gilet un mouvement qui aurait pu passer pour de l’émotion, s’il se fût produit moins bas.

« Mon jeune et cher ami, comptez que, pendant votre absence je ferai tout mon possible pour que Joseph ne l’oublie pas ; Joseph !… ajouta M. Pumblechook d’un ton de compassion ; Joseph ! Joseph !… »

Là-dessus il secoua la tête en se frappant le front, pour exprimer sans doute le peu de confiance qu’il avait en Joseph.

« Mais, mon jeune et cher ami, continua M. Pumblechook, vous devez avoir faim, vous devez être épuisé ; asseyez-vous. Voici un poulet que j’ai fait venir du Cochon bleu. Voici une langue qui m’a été envoyée du Cochon bleu, et puis une ou deux petites choses qui viennent également du Cochon bleu. J’espère que vous voudrez bien y faire honneur. Mais, reprit-il tout à coup, en se levant immédiatement après s’être assis, est-ce bien vrai ? Ai-je donc réellement devant les yeux celui que j’ai fait jouer si souvent dans son heureuse enfance !… Permettez-moi, permettez… »

Ce « permettez » voulait dire : « Permettez-moi de vous serrer les mains. » J’y consentis. Il me serra donc les mains avec tendresse, puis il se rassit.

« Voici du vin, dit M. Pumblechook. Buvons… rendons grâces à la fortune. Puisse-t-elle toujours choisir ses favoris avec autant de discernement ! Et pourtant je ne puis, continua-t-il en se levant de nouveau ; non, je ne puis croire que j’aie devant les yeux celui qui… et boire à la santé de celui que… sans lui exprimer de nouveau combien… ; mais, permettez, permettez-moi… »