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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/83

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« Eh bien ! dit ma sœur de sa voix hargneuse, qu’est-ce que tu as à regarder ainsi ?… le feu est-il à la maison ?

— Quelqu’un, hasarda poliment Joe, a dit : Elle.

— Et c’est bien Elle qu’il faut dire, je suppose, dit ma sœur, à moins que tu ne prennes miss Havisham pour un homme ; mais j’espère que tu n’es pas encore assez bête pour cela.

— Miss Havisham de la ville ? dit Joe.

— Y a-t-il une miss Havisham à la campagne ? repartit ma sœur. Elle a besoin que ce garçon aille là-bas et il y va, et il tâchera d’être content, ajouta-t-elle en levant la tête, comme pour m’encourager à être gai et content, ou bien je m’en mêlerai. »

J’avais entendu parler de miss Havisham. Qui n’avait pas entendu parler de miss Havisham à plusieurs milles à la ronde comme d’une dame immensément riche et morose, habitant une vaste maison, à l’aspect terrible, fortifiée contre les voleurs, et qui vivait d’une manière fort retirée ?

— Assurément ! dit Joe étonné. Mais je me demande comment elle a connu mon petit Pip !

— Imbécile ! dit ma sœur, qui t’a dit qu’elle le connût ?

— Quelqu’un, reprit Joe avec beaucoup d’égards, a dit qu’elle le demandait et qu’elle avait besoin de lui.

— Et n’a-t-elle pas pu demander à l’oncle Pumblechook, s’il ne connaissait pas un garçon qui pût la distraire ? Ne se peut-il pas que l’oncle Pumblechook soit un de ses locataires et qu’il aille quelquefois, nous ne te dirons pas si c’est tous les trois mois, ou tous les six mois, ce qui serait t’en dire trop long, mais quelquefois, payer son loyer ? Et n’a-t-elle pas pu demander à l’oncle