Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/214

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« Allons ! messieurs, ayez la bonté de monter. »

Au lieu de monter, les gentlemen de l’escalier se mirent à descendre avec une grande rapidité, et pressèrent avec une politesse extraordinaire les gentlemen du corridor de marcher les premiers. Les gentlemen du corridor, qui n’étaient pas moins polis, ne voulaient pas du tout accepter cet honneur. Mais ils y furent bien obligés malgré eux, lorsque les autres gentlemen, qui faisaient la presse devant eux, en poussèrent une demi-douzaine, parmi lesquels était Nicolas, et les forcèrent par derrière, non-seulement à monter l’escalier, mais à entrer dans le salon même de M. Gregsbury, où ils furent jetés pêle-mêle dans une confusion indécente, et sans aucun moyen de battre en retraite, car la foule qui les suivait avait déjà rempli la pièce.

« Messieurs, dit M. Gregsbury, soyez les bienvenus ; je suis charmé de vous voir. »

Pour un homme charmé de voir la nombreuse société qui lui rendait visite, M. Gregsbury avait l’air aussi contrarié que possible. Mais peut-être n’était-ce qu’un effet de sa gravité parlementaire et la suite de l’habitude, que les hommes d’État comme lui sont obligés de prendre, de dissimuler leurs sentiments. C’était un homme épais, replet, à grosse tête, à voix forte, empesé dans ses manières, avec une grande facilité pour dire des choses qui ne voulaient rien dire ; bref, tout ce qu’il faut pour faire un bon membre du Parlement, sans aucun doute.

« Eh bien, messieurs, dit M. Gregsbury jetant à ses pieds dans un panier d’osier un tas de papiers et se renversant dans son fauteuil, les coudes appuyés et les bras relevés, vous n’êtes pas contents de ma conduite, à ce que je vois dans les journaux ?

— Non, monsieur Gregsbury, dit un vieux monsieur frais et dodu qui perça la foule d’un air déterminé et vint se placer devant lui.

— Quoi ! mes yeux me trompent-ils ? dit M. Gregsbury regardant l’orateur ; est-ce bien mon vieil ami Pugstyles que je vois ?

— C’est bien moi, moi-même, répondit le vieux monsieur frais et dodu.

— Donnez-moi la main, mon honorable ami, dit M. Gregsbury ; Pugstyles, mon cher ami, je suis bien désolé de vous voir ici.

— Et moi bien désolé d’y être, monsieur, dit M. Pugstyles ; mais c’est votre conduite, monsieur Gregsbury, qui a rendu cette démarche absolument nécessaire de la part de vos commettants.