Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/235

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Mlle Knag répondit, comme de raison : qu’il était moralement impossible qu’elle oubliât les instructions de Mme Mantalini qui, donnant le bonjour à toutes ces demoiselles ensemble, disparut bientôt.

« Quelle charmante personne, n’est-ce pas, mademoiselle Nickleby ? dit Mlle Knag en se frottant les mains.

— Je l’ai si peu vue, dit Catherine, que je ne puis pas encore me flatter de la connaître.

— Et M. Mantalini, l’avez-vous vu ? demanda Mlle Knag.

— Oui, je l’ai vu deux fois.

— C’est lui, n’est-ce pas, qui est un homme charmant ?

— J’avoue que ce n’est pas du tout l’effet qu’il m’a fait, répondit Catherine.

— Comment, vraiment ? s’écria Mlle Knag levant les mains dans sa surprise ; est-il Dieu possible ! où donc avez-vous les yeux ? Il est si bel homme, si grand, de si belles moustaches, un teint si éblouissant ! et des dents, et des cheveux ! et… Hem ! ah ! par exemple, je vous assure que vous m’étonnez.

— Je ne demande pas mieux que de croire que je n’ai pas le sens commun, reprit Catherine, en défaisant son chapeau ; mais, comme mon opinion n’a pas grande importance, ni pour lui, ni pour d’autres, je n’ai pas à m’en repentir, après tout, et je serais bien étonnée si je changeais de manière de voir de longtemps.

— Mais enfin, c’est un très-bel homme, vous ne pouvez pas dire le contraire, dit une des demoiselles.

— Mon Dieu, quand je dirais le contraire, il n’en serait ni plus ni moins, répondit Catherine.

— Et ses cheveux sont magnifiques, n’est-ce pas ? poursuivit l’autre.

— Je ne dis pas ; car je ne les ai jamais vus.

— Jamais vus ? interrompit Mlle Knag ; ah bien ! si c’est là tout ce que vous connaissez de lui, comment pouvez-vous vous faire une opinion sur un monsieur, avant d’avoir pu l’apprécier dans son ensemble ? »

Il y avait quelque chose de si mondain, même pour une jeune fille qui ne connaissait guère du monde que la campagne où elle avait été élevée, dans ces principes de la vieille modiste, que Catherine empressée, pour une foule de raisons, de passer à un autre sujet de conversation, n’ajouta pas un mot, laissant Mlle Knag maîtresse du champ de bataille.

Après un court silence, pendant lequel toutes les demoiselles soumirent à un examen plus détaillé la personne de Catherine,