Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/106

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Enfin il remit sur le tapis la proposition qu’il avait déjà faite, c’était que Smike passât la nuit où il était. Pendant ce temps-là, lui, Noggs, irait tout de suite calmer au cottage l’inquiétude de la famille. Mais Smike n’ayant pas voulu entendre parler de cela, dans l’impatience où il était de revoir ses amis, ils sortirent ensemble, la nuit étant déjà bien avancée, et Smike fatigué par sa course rapide avait si mal aux pieds, qu’il pouvait à peine suivre Noggs en clopinant. Le soleil était déjà levé depuis une heure, lorsqu’ils arrivèrent au lieu de leur destination.

Nicolas qui avait passé la nuit, sans pouvoir fermer l’œil, à combiner des plans chimériques pour retrouver l’ami qu’il avait perdu, n’eut pas plutôt entendu à la porte le son de leurs voix bien connues, qu’il se jeta à bas de son lit pour les faire entrer, plein de joie. Le bruit de leur conversation, de leurs félicitations, de leur indignation, eut bientôt réveillé tout le reste de la famille, et Smike reçut un accueil cordial et empressé non seulement de Catherine, mais aussi de Mme Nickleby qui l’assura de son estime éternelle et de sa protection à tout jamais. Elle eut même l’obligeance de raconter, à cette occasion, pour son amusement plutôt que pour celui de la société, une histoire extrêmement remarquable tirée d’un livre dont elle n’avait jamais su le titre. Mais il s’agissait d’une évasion miraculeuse d’une prison qu’elle ne pouvait pas se rappeler, au profit d’un officier dont elle avait oublié le nom, puni pour un crime dont elle n’avait gardé qu’un souvenir très imparfait.

Nicolas commença par supposer que son oncle ne devait pas être entièrement étranger à cette tentative hardie qui avait été si près de réussir. Mais, après mûres réflexions, il fut plutôt porté à croire que c’était à M. Squeers que revenait tout l’honneur de l’enlèvement de Smike ; et, pour mieux s’en assurer, il résolut de s’adresser à John Browdie lui-même pour connaître mieux les détails ; en attendant il se rendit à ses occupations ordinaires, rêvant tout le long du chemin à une infinie variété de plans, tous également fondés sur les principes les plus rigoureux de la justice distributive, mais malheureusement aussi tous plus inexécutables les uns que les autres, pour punir comme il le méritait le maître de pension du Yorkshire.

« Un beau temps, monsieur Linkinwater, dit Nicolas en entrant dans le bureau.

— Ah ! répliqua Timothée ; qu’on vienne donc nous parler de la campagne ! qu’est-ce que vous dites de ce temps-là, hein, pour un temps de Londres ?