Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/282

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Nous nous y rendrons ensemble : soyez chez moi à sept heures du matin ; je n’ai pas besoin de vous recommander de l’exactitude.

« En attendant, suspendez vos visites à la fille : vous les avez renouvelées dans ces derniers temps plus que de raison ; vous savez bien qu’elle ne brûle pas précisément de vous voir ; vous faisiez là une imprudence. Contenez, si vous pouvez, votre ardeur juvénile quarante-huit heures encore, et laissez-la seule avec son père : vous ne feriez que défaire ce qu’il fait, et ce serait dommage, car il s’en acquitte bien.

« Votre très-humble,

« Ralph Nickleby. »

En entendant les pas de Gride, qui revenait, Newman laissa retomber la lettre au même endroit, et, pour mieux l’y fixer, donna dessus un bon coup de talon, puis il se hâta de retourner sur sa chaise d’une seule enjambée, prenant un air aussi innocent que l’enfant qui vient de naître. Arthur Gride, après avoir regardé avec inquiétude autour de lui, vit par terre la lettre qu’il cherchait, la ramassa, s’assit à son bureau pour écrire, regardant du coin de l’œil Newman Noggs, qui regardait lui-même le mur d’en face avec une attention si remarquable qu’Arthur en fut tout alarmé.

« Est-ce que vous voyez-là quelque chose de particulier, monsieur Noggs ? » dit Arthur essayant de suivre la direction des yeux de Newman.

Peine perdue ! c’était une chose impossible et que jamais personne n’avait pu faire.

« Oh ! rien, une toile d’araignée, répliqua Newman.

— Oh ! voilà tout ?

— Non, il y a une mouche dedans.

— Il n’en manque pas ici de toiles d’araignées, repartit Arthur Gride.

— C’est comme chez nous, répondit Newman, ni de mouches non plus pour s’y prendre. »

Newman parut enchanté de cette repartie, et, pour célébrer son succès, il se mit, au grand désagrément des nerfs d’Arthur Gride, à tirer de ses doigts une foule de craquements dans les jointures, qu’on aurait pu prendre, avec un peu de bonne volonté, pour une charge de mousqueterie dans le lointain. Arthur finit pourtant par pouvoir achever sa lettre à Ralph, et la remit en mains propres à l’excentrique messager de son noble ami.

« Voilà, monsieur Noggs, dit Gride. »