Il garda cette allure imposante jusqu’à ce qu’il eut gagné la Ferme, où Mme Mann veillait, avec un soin paroissial, sur son petit troupeau d’enfants pauvres.
« Au diable le bedeau ! dit Mme Mann en entendant M. Bumble secouer avec impatience la porte du jardin. C’est sans doute lui qui nous arrive si matin !… Ah ! monsieur Bumble, j’étais bien sûre que c’était vous ! quel plaisir vous me faites ! Entrez donc, monsieur, je vous prie. »
Les premiers mots s’adressaient à Susanne, et les exclamations de joie à M. Bumble, tandis que la bonne femme ouvrait la porte du jardin et faisait entrer le bedeau avec empressement et respect.
« Madame Mann, dit M. Bumble en se laissant tomber lentement dans un fauteuil, au lieu de s’asseoir brusquement comme un manant ; bonjour, madame Mann.
— Je vous souhaite le bonjour, monsieur, répondit Mme Mann d’un air souriant. J’espère que vous vous portez bien, monsieur ?
— Comme ça, madame Mann, répondit M. Bumble. Une vie paroissiale n’est pas un lit de roses.
— Ah ! monsieur Bumble, à qui le dites-vous ? » répondit celle-ci.
Si les pauvres enfants du dépôt l’eussent entendue parler ainsi, ils eussent tous fait chorus avec elle.
« La vie paroissiale, madame, continua M. Bumble en donnant un coup de canne sur la table, est une vie fatigante, agitée, tourmentée ; mais on sait bien que c’est la destinée de tous les fonctionnaires publics d’être toujours en butte aux persécutions. »
Mme Mann, sans trop comprendre ce que le bedeau voulait dire par là, leva toujours les mains au ciel d’un air de compassion et soupira.
« Ah ! vous avez raison de soupirer, madame Mann ! » dit le bedeau.
Voyant qu’elle avait bien fait, celle-ci poussa un nouveau soupir, à la grande satisfaction du fonctionnaire qui, réprimant un gracieux sourire, regarda son tricorne avec un grand sérieux et dit :
« Madame Mann, je pars demain pour Londres.
— Comment, monsieur Bumble ! dit celle-ci en reculant de deux pas.
— Oui, madame, pour Londres, reprit l’inflexible bedeau. Je