prends la diligence, et j’emmène avec moi deux pauvres du dépôt. On est en instance pour les placer ailleurs, et le conseil d’administration m’a chargé, moi, entendez-vous, madame Mann, de suivre l’affaire devant les assises de Clerkenwell. Et je me demande, ajouta-t-il en se redressant, si les assises de Clerkenwell n’auront pas du fil à retordre avant d’en finir avec moi.
— Oh ! monsieur, ne soyez pas trop sévère à leur égard, dit Mme Mann d’un ton doucereux.
— Ce sera la faute des assises de Clerkenwell, répondit M. Bumble ; et, si elles ne s’en tirent pas à leur honneur, les assises de Clerkenwell ne pourront s’en prendre qu’à elles-mêmes. »
M. Bumble prononça ces mots d’un air si résolu et même si menaçant que Mme Mann parut effrayée.
« Et vous prenez la diligence ? dit-elle enfin. Je croyais que d’habitude on expédiait les pauvres en charrette ?
— Oui, madame Mann, lorsqu’ils sont malades, dit le bedeau ; nous les mettons en charrette découverte, quand il pleut : c’est pour les empêcher de s’enrhumer.
— Oh ! dit Mme Mann.
— Quant à ces deux-ci, la concurrence s’en charge et les prend à bon marché, dit M. Bumble. Ils sont dans un piteux état, et nous avons calculé que les frais de transport coûteraient deux livres sterling de moins que les frais d’enterrement… à condition pourtant que nous puissions les colloquer dans une autre paroisse. J’espère que nous en viendrons à bout, à moins qu’ils n’aillent s’aviser de mourir en route, pour nous faire enrager. Ha ! ha ! »
M. Bumble se mit à rire ; mais ses yeux rencontrèrent son tricorne et il reprit son air grave.
« N’oublions pas les affaires, madame, dit le bedeau ; voici l’allocation mensuelle que vous accorde la paroisse. »
M. Bumble tira de son portefeuille quelques pièces d’argent roulées dans du papier, et demanda un reçu que Mme Mann écrivit aussitôt.
« C’est un vrai griffonnage, dit-elle ; mais c’est en règle tout de même. Merci, monsieur Bumble ; bien obligée, monsieur. »
Celui-ci répondit par un léger signe de tête aux révérences de Mme Mann, et demanda des nouvelles des enfants.
« Les chers petits trésors ! dit Mme Mann d’une voix émue ;