Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/182

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et l’envoya contre la muraille, où il resta quelques instants à reprendre haleine, tandis que M. Chitling faisait la plus piteuse mine du monde.

« Attention ! dit tout à coup le Matois, j’ai entendu le grelot. »

Il prit la chandelle et gravit sans bruit l’escalier. La sonnette, agitée par une main impatiente, se fit entendre de nouveau. Bientôt le Matois rentra et, d’un air mystérieux, dit au juif quelques mots à l’oreille.

« Comment ! dit Fagin, il est seul ? » Le Matois fit signe que oui, et, mettant sa main devant la chandelle, il donna à entendre à Charlot Bates qu’il était temps de mettre un terme à ses élans de gaieté. Après avoir rempli ce devoir d’ami, il regarda fixement le juif et attendit ses ordres.

Le vieillard resta quelques instants à se mordre les doigts d’un air pensif. L’agitation de son visage annonçait qu’il craignait quelque mauvaise nouvelle. Enfin, il leva la tête.

« Où est-il ? » demanda-t-il.

Le Matois montra du doigt le plafond et fit mine de s’éloigner.

« Oui, dit le juif comme répondant à une question sous-entendue : fais-le descendre. Chut ! paix, Charlot ! doucement, Tom ! filez sans bruit. »

Charlot Bates et son récent antagoniste obéirent sur-le-champ à cette injonction de se retirer. Tout était silencieux quand le Matois descendit l’escalier, une chandelle à la main, suivi d’un homme en blouse, qui, après avoir jeté un regard effaré autour de la chambre, ôta une grosse cravate qui lui cachait le bas du visage, et laissa voir les traits du flambant Tobie Crackit, mais pâle, défiguré, la barbe longue et la chevelure en désordre.

« Comment ça va-t-il, Fagin ? dit le beau Tobie, en faisant un signe de tête au juif. Tiens ! Matois, mets ce cache-nez dans mon castor, que je sache où le trouver en m’en allant. Bien ! tu feras un fameux lapin, toi, et tu enfonceras les anciens. »

Tout en parlant, il releva sa blouse, mit les mains dans ses poches, approcha une chaise du feu et posa ses pieds sur les chenets.

« Voyez, Fagin, dit-il en montrant tristement ses bottes crottées, pas une goutte de cirage depuis… vous savez quand… Mais ne me regardez donc pas ainsi ! tout viendra en son temps ; je ne peux pas causer d’affaires avant d’avoir bu et mangé ; ainsi donnez-moi de quoi me soutenir, et laissez-moi