Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/188

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trait, il serait coffré bien vite. Tout va bien pour Barney ; autrement j’aurais entendu parler de lui : je jurerais que Barney est en train de se tirer d’affaire le mieux du monde. Il n’est pas gêné, allez.

— Viendra-t-il ce soir ? demanda le juif en insistant tout particulièrement sur le mot il.

— Monks, n’est-ce pas ? demanda le cabaretier avec hésitation.

— Chut ! fit le juif. Oui.

— Sans doute, répondit l’homme en tirant une montre d’or de son gousset. Je croyais même qu’il viendrait plus tôt ; si vous voulez attendre dix minutes, il sera…

— Non, non, se hâta de dire le juif, comme si, malgré son désir de voir la personne en question, il éprouvait quelque soulagement à ne pas la rencontrer. Dites-lui que je suis venu pour le voir, et qu’il vienne chez moi ce soir. Non, plutôt demain : puisqu’il n’est pas ici, il sera bien temps demain.

— C’est bien ! dit l’homme ; il n’y a rien de plus à dire ?

— Pas un mot pour l’instant, dit le juif en descendant l’escalier.

— À propos, dit l’autre à voix basse, en se penchant sur la rampe, quel bon moment ce serait pour faire une vente ! Philippe Barker est là, et tellement ivre qu’un enfant pourrait le mettre dedans.

— Ah ! ah ! dit le juif en levant la tête, mais ce n’est pas le moment d’en finir avec Barker ; il a encore quelque chose à faire avant que nous lui réglions son compte ; ainsi allez rejoindre la compagnie, mon cher, et dites-leur de mener joyeuse vie, tandis qu’ils sont en vie ; ha ! ha ! »

Le cabaretier se mit aussi à rire, et alla rejoindre ses hôtes. Le juif ne fut pas plus tôt seul que sa physionomie reprit son expression inquiète et agitée. Après un instant de réflexion, il prit un cabriolet et se fit conduire du côté de Bethnal-Green. Il descendit à un quart de mille environ de la demeure de M. Sikes, et fit à pied le reste du trajet.

« Maintenant, murmura-t-il en frappant à la porte, à nous deux, ma fille, et, si l’on trame ici quelque complot ténébreux, je saurai bien vous faire jaser, toute futée que vous êtes. »

On dit à Fagin que Nancy était dans sa chambre ; il gravit sans bruit l’escalier et entra sans frapper ; la jeune fille était seule, la tête appuyée sur la table, les cheveux épars.