Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/193

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dire, mon cher, dit le juif en poussant une porte qui donnait sur le palier ; comme il y a des trous aux volets, et que nous ne laissons jamais apercevoir de lumière aux voisins, nous laisserons la chandelle sur l’escalier. Par ici ! »

Le juif se baissa, posa la chandelle sur la dernière marche, juste en face de la porte, et entra le premier dans la chambre, où il n’y avait pas d’autre meuble qu’un fauteuil cassé, et derrière la porte, un vieux canapé qui n’était seulement pas recouvert. L’étranger s’y jeta de l’air d’un homme épuisé de fatigue, et le juif ayant approché son fauteuil, ils se trouvèrent assis en face l’un de l’autre. L’obscurité n’était pas complète, car la porte était entr’ouverte, et la chandelle, posée sur l’escalier, projetait une faible lueur sur le mur au fond de la chambre.

Ils causèrent quelque temps à voix basse ; bien qu’on n’eût pu saisir dans leur conversation que quelques mots par-ci par-là, un témoin se serait facilement aperçu que Fagin avait l’air de se défendre contre certaines observations de l’étranger, et que celui-ci était en proie à une violente irritation. Il y avait à peu près un quart d’heure qu’ils causaient ainsi, quand Monks (nom par lequel le juif avait plusieurs fois désigné l’inconnu durant l’entretien), dit en élevant un peu la voix :

« Je vous répète que cela a été mené en dépit du bon sens. Pourquoi ne pas l’avoir gardé ici avec les autres ? Pourquoi n’en avoir pas fait tout de suite un méchant petit filou ?

— Mais écoutez-moi donc ! s’écria le juif en haussant les épaules.

— Allez-vous me conter que vous ne l’auriez pas pu, si vous l’aviez voulu ? demanda Monks d’un ton bourru. N’en êtes-vous pas venu à bout vingt fois avec d’autres garçons ? Si vous aviez eu un an de patience, tout au plus, n’auriez-vous pas pu le faire condamner et déporter bel et bien, peut-être pour la vie ?

— À qui cela eût-il profité ? mon cher, demanda humblement le juif.

— À moi, répondit Monks.

— Mais pas à moi, dit le juif d’un air soumis ; il pouvait me devenir utile. Quand il y a deux parties intéressées dans une affaire, il est de toute justice que l’on consulte l’intérêt de l’une et de l’autre ; n’est-ce pas vrai, mon bon ami ?

— Et après ? demanda Monks d’un air boudeur.

— J’ai vu qu’il n’était pas facile de le mettre à la besogne,