Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/194

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reprit le juif ; il n’était pas du tout comme les autres enfants qui se trouvent dans la même position.

— Non, malédiction ! murmura Monks ; autrement il y a longtemps qu’il serait voleur.

— Je n’avais pas de prise sur lui pour le convertir, continua le juif en observant avec inquiétude la mine de son compagnon. Il n’avait jamais mis la main dans le sac ; je n’avais nul moyen de l’effrayer, comme nous faisons toujours dans les commencements ; autrement nous perdons notre peine. Que pouvais-je faire ? L’envoyer en course avec le Matois et Charlot : nous en avons eu assez comme cela la première fois, mon cher ; j’en ai assez tremblé pour nous tous.

— Ce n’est pas ma faute, observa Monks.

— Non, non, mon ami, reprit le juif ; et je ne m’en plains pas, parce que, si cela n’était pas arrivé, vous n’auriez jamais eu occasion de faire attention à cet enfant, et vous n’en seriez pas venu à découvrir que c’était lui que vous cherchiez. C’est pour vous que je l’ai rattrapé au moyen de Nancy, et maintenant c’est elle qui commence à prendre parti pour lui.

— Eh bien ! étranglez-la, cette fille, dit Monks avec impatience.

— Ce n’est pas le moment, mon cher, répondit le juif en souriant, et d’ailleurs ce genre d’affaire n’est pas de notre ressort, autrement je l’aurais fait un de ces jours avec plaisir ; mais je connais bien ces filles-là, allez, Monks. L’enfant n’aura pas plutôt commencé à prendre cœur au métier qu’elle ne s’en souciera pas plus que d’un morceau de bois. Vous voulez qu’il soit voleur ; s’il est vivant, je puis vous promettre de le dresser, et si… si… dit le juif en s’approchant tout près de Monks… ce n’est pas probable ; mais enfin, pour mettre les choses au pire… s’il était mort…

— Ce ne serait pas ma faute, interrompit Monks d’un air d’épouvante, en serrant d’une main tremblante le bras du juif. Songez-y bien, Fagin, je n’y serais pour rien. Tout, sauf la mort, vous ai-je dit dès le début ; je ne veux pas verser de sang, ça se découvre toujours, et d’ailleurs on a toujours un fantôme près de soi ; s’il a été tué, ce n’est pas ma faute, entendez-vous ? Maudit soit cet infernal repaire ! qu’est-ce que c’est que ça ?

— Quoi donc ? s’écria le juif en saisissant à bras-le-corps le poltron qui venait de se jeter à ses pieds. Où ? qu’est-ce ?

— Là bas ! répondit l’autre en indiquant de l’œil le mur en face. L’ombre… J’ai vu l’ombre d’une femme, avec un man-