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Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/217

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temps : car l’esprit humain est impuissant à le reproduire et à le fixer.

« Qu’est-ce à dire ? s’écria la vieille dame. Il est impossible que ce pauvre enfant ait été complice des voleurs.

— Le vice, dit le docteur avec un soupir en laissant retomber le rideau, le vice fait sa demeure dans bien des temples : qui sait s’il ne se cache pas sous cet extérieur séduisant ?

— Mais il est si jeune ! se hâta de dire Rose.

— Ma chère demoiselle, continua le chirurgien en secouant tristement la tête, le crime est comme la mort : il n’est pas seulement le partage de la vieillesse et de la décrépitude ; la jeunesse et la beauté sont trop souvent les victimes qu’il choisit de préférence.

— Mais, monsieur, ce n’est pas possible, dit Rose ; vous ne pouvez pas croire que cet enfant si délicat se soit associé volontairement à des scélérats. »

Le chirurgien hocha la tête de manière à montrer qu’il ne voyait à cela rien d’impossible ; puis il fit observer que la conversation pourrait troubler le sommeil du blessé, et conduisit les dames dans une chambre voisine.

« Mais quand même il serait coupable, continua Rose, songez combien il est jeune ; songez que peut-être il n’a jamais connu l’amour d’une mère, le bien-être du foyer domestique ; que les mauvais traitements, les coups, la faim, l’ont peut-être entraîné à s’associer à des hommes qui l’ont forcé au crime. Ma tante, ma bonne tante, je vous en conjure, pensez à tout cela avant de laisser mener en prison ce pauvre enfant blessé, ce serait d’ailleurs renoncer pour lui à tout espoir de devenir meilleur. Vous qui m’aimez tant ; qui par votre bonté et votre affection m’avez tenu lieu de mère, et préservée de l’abandon où j’aurais pu tomber comme ce pauvre enfant ; je vous en prie, ayez pitié de lui quand il en est temps encore.

— Chère enfant ! dit la vieille dame en pressant sur son cœur la jeune fille qui fondait en larmes ; crois-tu que je voudrais faire tomber un cheveu de sa tête ?

— Oh ! non, répondit Rose avec vivacité ; pas vous, ma tante !

— Non, dit Mme Maylie d’une voix émue. Mes jours sont sur leur déclin ; puisse Dieu avoir pitié de moi comme j’ai pitié des autres ! Que puis-je faire pour le sauver, monsieur ?

— Laissez-moi réfléchir, madame, dit le docteur ; laissez-moi réfléchir. »