Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/292

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tune sur la scène, ce chien-là, et ressuscité le mélodrame par-dessus le marché.

— Pas tant de bruit, dit Sikes, comme le chien se retirait sous le lit en grondant avec colère ; eh bien ! vieux misérable, qu’avez-vous à dire pour vous excuser ?

— J’ai été absent de Londres pendant plus d’une semaine, mon cher, répondit le juif.

— Et pendant l’autre quinzaine ? demanda Sikes ; pourquoi pendant quinze grands jours m’avez-vous abandonné sur mon grabat, comme un rat malade dans son trou ?

— Je n’ai pas pu faire autrement, Guillaume, répondit le juif ; je ne veux pas entrer dans de plus longs détails devant témoins ; mais je n’ai pas pu faire autrement, sur mon honneur.

— Sur votre quoi ? gronda Sikes d’un air de profond dégoût ; tenez, jeunes gens, coupez-moi une tranche de pâté, pour m’ôter ce goût-là de la bouche ; je sens que ça m’étoufferait.

— Ne vous faites pas de bile, mon cher, dit le juif d’un ton de soumission, je ne vous ai jamais oublié, Guillaume ; pas un instant, entendez-vous ?

— Oh ! sans doute, vous avez pensé à moi, répondit Sikes avec un sourire amer ; pendant que j’étais là sur mon lit avec le frisson et la fièvre, vous n’avez pas cessé de combiner des plans ; et Guillaume devait faire ceci, et cela, et encore autre chose, dès qu’il serait sur pied, et tout cela pour rien ; sans cette fille, je serais trépassé.

— Eh bien ! Guillaume, dit le juif en saisissant vivement cette phrase au passage ; sans cette fille, dites-vous ? Mais qui vous a fourni les moyens de l’avoir ainsi sous la main ? n’est-ce pas moi ?

— Pour ce qui est de cela, c’est bien la vérité ! dit Nancy en se rapprochant vivement. Allons ! en voilà assez ! finissons là ! »

L’intervention de Nancy fit prendre un autre tour à la conversation. Les jeunes gens, sur un léger signe du juif, se mirent à la faire boire, mais elle n’usa que modérément des liquides. Fagin, se laissant aller à une gaieté peu ordinaire, remit M. Sikes de meilleure humeur, en affectant de regarder ses menaces comme d’amusantes plaisanteries, et en riant de tout son cœur d’une ou deux grosses bouffonneries que celui-ci, après être retourné souvent à la bouteille, voulut bien faire par complaisance.