Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/305

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de l’enfant sont au fond de la rivière, et la vieille sorcière qui les a reçus des mains de la mère est, Dieu merci, en train de pourrir dans son cercueil. » Et là-dessus, ils se sont mis à rire et à dire qu’ils avaient fait un fameux coup. Monks en parlant de l’enfant avait un air furieux ; il disait que, bien qu’il fût parvenu sans risque à se rendre maître de l’argent du petit diable, il aurait été encore plus tranquille, s’il l’avait eu autrement. « O la bonne plaisanterie, dit-il, si nous pouvions donner un démenti aux espérances orgueilleuses qui ont dicté le testament du père, en promenant le petit drôle dans toutes les prisons de Londres, en le faisant pendre même pour quelque crime capital ! ça ne vous serait pourtant pas difficile, Fagin, et vous en retirerez un bon profit encore. »

— Qu’est-ce que tout cela ? dit Rose.

— La vérité, mademoiselle, quoiqu’elle sorte de ma bouche, répliqua la jeune fille. Puis, il ajouta, en proférant des jurons qui auraient bien surpris vos oreilles, mais auxquels les miennes ne sont que trop accoutumées, que, s’il pouvait assouvir sa haine par la mort de l’enfant sans risquer sa peau, il n’hésiterait pas ; mais que, puisque la chose était impossible, il le surveillerait de près, et que s’il avait le malheur de vouloir tirer avantage de sa naissance et de son histoire, il saurait bien lui mettre des bâtons dans les roues. « Bref, Fagin, dit-il, tout juif que vous êtes, vous n’avez pas encore de votre vie tendu de piège comme celui dans lequel je vais prendre mon jeune frère Olivier. »

— Son frère ! s’écria Rose.

— Voilà ses propres paroles, dit Nancy, qui promenait autour d’elle des regards inquiets, depuis le commencement de la conversation, car elle croyait toujours voir Sikes à côté d’elle. Ce n’est pas tout, quand il s’est mis à parler de vous et de l’autre dame, il a ajouté qu’on dirait que le ciel ou plutôt le diable conspirait contre lui, puisque Olivier était tombé entre vos mains ; ensuite il est parti d’un éclat de rire en disant qu’à quelque chose malheur est bon : car, pour savoir qui est ce petit épagneul à deux pattes qu’elle a avec elle, elle donnerait (c’est de vous qu’il parlait) je ne sais combien de mille livres sterling si elle les avait.

— Vous ne croyez pas qu’il ait parlé sérieusement, n’est-ce pas ? dit Rose en pâlissant.

— Jamais on n’a parlé plus sérieusement qu’il ne le fit, répliqua la jeune fille en secouant la tête. Il parle très-sérieuse-