Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/306

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ment quand il déteste. J’en connais qui font pis que lui, et cependant je préférerais les entendre douze fois plutôt que lui une. Il commence à se faire tard, et je veux revenir à la maison avant qu’on se doute de mon escapade. Il faut que je m’en aille au plus vite.

— Mais que puis-je faire ? dit Rose. Sans vous, comment profiter de l’avis que vous venez de me donner ? Vous en aller ! mais vous voulez donc retourner au milieu de ces bandits que vous m’avez dépeints sous des couleurs si terribles ? Attendez. À côté, dans la chambre voisine, il y a un monsieur que je puis faire venir à l’instant même : répétez-lui ce que vous venez de me dire, et, avant une demi-heure, on vous conduira dans un endroit où vous serez en sûreté.

— Non, dit la jeune fille, je veux partir. Il faut que je m’en retourne, parce que… Mais comment dire de semblables choses à une demoiselle vertueuse comme vous ? Parce que, au nombre de ces hommes dont je vous ai parlé, il y en a un… le plus terrible de tous, que je ne puis quitter ; je ne l’abandonnerais jamais, dût-on me promettre de m’arracher à l’existence que je mène maintenant.

— Votre intervention en faveur de ce cher enfant, dit Rose ; votre démarche dans cette maison où vous vous êtes risquée pour me dire ce que vous avez entendu ; votre attitude qui me fait croire à la sincérité de vos paroles ; votre repentir ; enfin le sentiment que vous avez de votre honte, tout me porte à espérer qu’il y a encore de la ressource chez vous. Oh ! je vous en supplie, dit avec force la jeune fille en joignant les mains, tandis que ses larmes arrosaient son visage, ne soyez pas sourde aux supplications d’une personne de votre sexe, la première, oui… la première, je pense, qui ait jusqu’ici fait résonner à vos oreilles des paroles de sympathie et de commisération. Écoutez ma voix, et laissez-moi vous sauver pour un meilleur avenir.

— Mademoiselle, s’écria Nancy en tombant à genoux, vous êtes un ange de douceur ; c’est la première fois que j’entends d’aussi bonnes paroles. Hélas ! que ne les ai-je entendues il y a quelques années ! elles m’auraient détournée du vice et du malheur ; mais maintenant il est trop tard, il est trop tard !

— Il n’est jamais trop tard, dit Rose, pour le repentir et l’expiation.

— Oh ! si, s’écria la jeune fille en proie aux tortures de sa