Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/320

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— Pourquoi ça ?

— Parce que si je dis que je ne le veux pas, ça doit suffire ; et je n’entends pas qu’on vienne m’ennuyer de pourquoi et de parce que, dit M. Claypole en se redressant.

— N’y a pas besoin de se fâcher ! dit sa compagne.

— C’est ça qui serait du propre, vraiment, d’aller s’arrêter à la première auberge en dehors de la ville ! ça fait que M. Sowerberry, s’il nous poursuit, n’aurait qu’à mettre son vieux nez à la porte pour nous voir fourrer dans une charrette et ramener chez lui avec des menottes, dit Noé Claypole d’un ton goguenard. Non pas, non pas !… je vais m’enfoncer dans les rues les plus sombres, et je ne m’arrêterai qu’après avoir mis la main sur le trou le plus caché que je puisse rencontrer. Quelle chance pour toi, ma chère, que j’aie de la tête ! Si nous n’avions pas pris d’abord une autre route pour rejoindre ensuite celle-ci à travers champs, il y a déjà huit jours que tu serais coffrée ; je ne te dis que ça, imbécile.

— Je sais bien que je ne suis pas aussi fine que toi, répliqua Charlotte ; mais c’est pas une raison pour me mettre tout sur le dos, et me dire que c’est moi qu’on aurait coffrée. Si on m’avait coffrée, on t’aurait coffré aussi, toi, c’est sûr.

— C’est toi qui as pris l’argent de la cassette, tu le sais bien ? fit M. Claypole.

— Je l’ai pris pour toi, Noé, répondit Charlotte.

— Est-ce que je l’ai gardé ? demanda Claypole.

— Non, tu t’es fié à moi, et tu me l’as donné à porter, comme un bon garçon que tu es, » dit la femme en lui caressant le menton et passant son bras sous le sien.

Claypole, en effet, avait laissé l’argent à Charlotte ; mais comme il n’avait pas l’habitude de se fier follement et à l’aveuglette en qui que ce fût, il faut ajouter, pour lui rendre justice, qu’en confiant cet argent à Charlotte, il avait eu un but : il voulait, en cas d’arrestation, qu’on trouvât sur elle le larcin, afin de pouvoir prouver son innocence et de se ménager une porte de derrière. Il se garda bien, comme on le pense, d’expliquer ses intentions à ce sujet, et ils continuèrent ensemble leur chemin en très bons termes.

Conformément à son système de prudence, Claypole alla tout d’une traite jusqu’à Islington, à l’auberge de l’Ange. Il jugea avec raison, en voyant cet encombrement de passants et de voitures, qu’il commençait à être dans le vrai Londres. Ne s’arrêtant que juste le temps qu’il fallait pour voir quelles