Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/354

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— Pour une raison, répondit la jeune fille avec fermeté, pour une raison que mademoiselle connaît et qu’elle admettra, je le sais, car elle me l’a promis ; et pour une autre raison encore, c’est que, s’il a mené une vie criminelle, la mienne ne vaut pas mieux ; beaucoup d’entre nous ont eu la même existence, et je ne me tournerai pas contre ceux, qui auraient pu… quelques-uns du moins… se tourner contre moi, et qui ne l’ont pas fait, tout pervers qu’ils sont.

— Eh bien ! se hâta de dire le monsieur, comme si c’était là où il voulait en venir ; livrez-moi Monks, et laissez-moi en faire mon affaire.

— Et s’il vient à dénoncer les autres ?

— Je vous promets que dans ce cas, si l’on obtient de lui la vérité, l’affaire en restera là. Il doit y avoir dans l’histoire du petit Olivier des circonstances qu’il serait pénible d’exposer aux yeux du public. Pourvu que nous sachions la vérité, nous n’en demandons pas davantage, et la liberté de personne ne sera menacée.

— Et s’il ne veut rien dire ? observa la jeune fille.

— Alors, continua le monsieur, ce juif ne sera pas traîné en justice sans votre consentement. Mais, dans une telle circonstance, je pourrai faire valoir à vos yeux des raisons qui, je pense, vous décideront à le donner.

— Mademoiselle me donne-t-elle sa parole qu’il en sera ainsi ? demanda vivement la jeune fille.

— Oui, répondit Rose ; j’en prends l’engagement formel.

— Monks ne saura jamais comment vous avez appris tout cela ? ajouta Nancy, après un court silence.

— Jamais, répondit le monsieur ; on s’y prendra de manière qu’il ne puisse se douter de rien.

— J’ai souvent menti, et j’ai vécu depuis mon enfance avec des menteurs, dit Nancy après un nouveau silence ; mais je compte sur votre parole. »

Après avoir reçu encore une fois l’assurance qu’elle pouvait y compter en toute sécurité, elle commença à décrire en détail le cabaret d’où on l’avait suivie ce soir-là même ; mais elle parlait si bas, qu’il était souvent difficile à l’espion de saisir, même en gros, le fil de son récit ; elle s’arrêtait de temps en temps, comme si le monsieur prenait à la hâte quelques notes sur les renseignements qu’elle lui fournissait. Après qu’elle eut décrit minutieusement la localité, indiqué l’endroit d’où l’on pouvait le mieux voir sans être vu, et dit quel jour et à quelle