Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/360

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— Oh ! vraiment ! dit Sikes en le regardant d’un air sombre et en mettant ostensiblement un pistolet dans une poche plus à sa portée. C’est heureux, pour l’un de nous du moins. Lequel est-ce, peu importe.

— Ce que j’ai à vous dire, Guillaume, dit le juif en rapprochant sa chaise de celle du brigand, vous rendra encore plus furieux que moi.

— En vérité ? répondit Sikes d’un air d’incrédulité ; parlez et dépêchez-vous, ou Nancy me croira perdu.

— Perdu ! dit Fagin, elle s’est arrangée pour ça, n’ayez pas peur. »

Sikes regarda le juif d’un air très inquiet, et ne lisant sur ses traits aucune explication satisfaisante, il lui mit sa grosse main sur le collet et le secoua rudement.

« Voulez-vous parler, dit-il, ou je vous étrangle. Desserrez les dents et dites clairement ce que vous avez à dire. Assez de grimaces, vieux mâtin que vous êtes, finissons-en.

— Supposons, commença Fagin, que ce garçon qui est là couché… »

Sikes se tourna vers l’endroit où Noé était endormi, comme s’il ne l’avait pas remarqué tout à l’heure. « Après ? dit-il en reprenant sa première position.

— Supposons, continua Fagin, que ce garçon ait jasé pour nous perdre tous ; qu’il ait cherché d’abord les gens propres à réaliser ses vues, et qu’il ait eu avec eux un rendez-vous dans la rue pour donner notre signalement, pour indiquer tous les signes auxquels on pourrait nous reconnaître et les souricières où l’on pourrait le mieux nous prendre. Supposons qu’il ait voulu faire tout cela de son plein gré sans être arrêté, interrogé, espionné ou mis au pain et à l’eau pour faire des aveux : mais, de son plein gré ! pour sa propre satisfaction ! allant rôder la nuit pour rencontrer nos ennemis déclarés et jasant avec eux ! m’entendez-vous, s’écria le juif, dont les yeux lançaient des flammes. Supposons qu’il ait fait tout cela, qu’arriverait-il ?

— Ce qui arriverait ! répondit Sikes avec un affreux jurement. S’il avait vécu jusqu’à mon arrivée, je lui broierais le crâne sous les talons ferrés de mes bottes en autant de morceaux qu’il a de cheveux sur la tête.

— Et si moi j’avais fait cela, hurla le juif, moi qui en sais si long et qui pourrais faire pendre tant de gens, sans me compter ?