Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/396

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qu’il avait parcouru à pied dans son enfance, pauvre orphelin abandonné, sans un ami pour lui tendre la main, sans un toit pour abriter sa tête !

« Voyez, voyez, s’écria-t-il en serrant vivement la main de Rose et en mettant la tête à la portière ; voici la barrière que j’ai escaladée, voici les haies le long desquelles je me glissai en rampant pour éviter d’être surpris et ramené de force chez le fabricant de cercueils ; voici là-bas le sentier, à travers champs, qui mène à la vieille maison où j’ai passé mon enfance ! Oh ! Richard, Richard, mon cher ami d’autrefois, si seulement je pouvais te voir maintenant !…

— Vous le verrez bientôt, dit Rose en prenant les mains d’Olivier ; vous lui direz que vous êtes heureux, que vous êtes devenu riche, et que votre plus grand bonheur est de venir le retrouver pour le rendre heureux aussi !…

— Oui, oui, dit Olivier ; et puis nous l’emmènerons avec nous, nous le ferons habiller et instruire, et nous l’enverrons dans une paisible campagne où il deviendra grand et fort, n’est-ce pas ? »

Rose fit signe que oui, car elle ne pouvait parler en voyant l’enfant sourire de bonheur à travers ses larmes.

« Vous serez douce et bonne pour lui comme vous l’êtes pour tout le monde, dit Olivier ; les récits qu’il vous fera vous serreront le cœur, je le sais ; mais qu’importe ? tout cela sera bien loin et vous sourirez de plaisir, j’en suis sûr aussi, en songeant que vous avez changé son sort, comme vous l’avez déjà fait pour moi. Le pauvre Richard ! il m’a si bien dit : « Dieu te bénisse ! » alors que je me sauvais ; moi aussi, ajouta Olivier, en éclatant en sanglots, je lui dirai : « Dieu te bénisse maintenant ! » et je lui montrerai combien ses paroles d’adieu m’ont été au cœur !… »

Quand ils approchèrent de la ville et qu’ils se furent engagés dans ses rues étroites, ce ne fut pas chose facile que de modérer les transports de l’enfant ; il revoyait la boutique de Sowerberry, l’entrepreneur de pompes funèbres, telle qu’elle était jadis, mais plus petite et moins imposante qu’elle ne l’était dans ses souvenirs ; il retrouvait les magasins, les maisons qu’il avait si bien connus, et qui lui rappelaient à chaque instant quelque petit incident de sa vie d’enfant : la charrette de Gamfield, le ramoneur, toujours la même, arrêtée à la porte du cabaret ; le dépôt de mendicité, cette affreuse prison de son enfance, avec ses étroites fenêtres donnant sur la rue ; sur le