Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/397

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seuil de la porte, le portier d’autrefois avec sa mine décharnée. En le voyant, Olivier ne put réprimer un sentiment de terreur, puis se mit à rire de sa sottise, puis à pleurer pour rire encore après ; il revoyait cent figures de connaissance, tout enfin, comme s’il avait quitté ces lieux la veille, et que son bonheur récent ne fût qu’un songe délicieux.

Mais ce bonheur n’était point un songe ; ils s’arrêtèrent à la porte du meilleur hôtel, devant lequel Olivier s’extasiait jadis, le prenant pour un somptueux palais, mais qui lui parut maintenant un peu déchu de sa grandeur et de son air imposant. M. Grimwig était là, prêt à recevoir nos voyageurs ; il embrassa la jeune demoiselle et aussi la vieille dame, à leur descente de voiture, comme s’il était le grand-père de toute la société. Aimable et souriant, il n’offrit pas une seule fois « de manger sa tête », pas même quand il soutint à un vieux postillon qu’il connaissait mieux que lui le plus court chemin pour aller à Londres, bien qu’il n’eût fait ce trajet qu’une seule fois, et encore en dormant tout le temps. Le dîner était servi, les chambres étaient préparées, tout avait été disposé comme par enchantement pour les recevoir.

Néanmoins, dès que la première agitation fut passée, chacun redevint silencieux et préoccupé comme pendant le voyage. M. Brownlow ne vint pas les retrouver et se fit servir à dîner dans une chambre à part. Les deux autres messieurs allaient et venaient d’un air inquiet ou se parlaient à l’oreille. On vint avertir Mme Maylie, qui sortit de la chambre et revint au bout d’une heure avec les yeux rouges et gonflés. Toutes ces circonstances troublaient et alarmaient Rose et Olivier, qui n’étaient point dans le secret de ces nouvelles inquiétudes. Ils restaient silencieux et étonnés, ou, s’ils échangeaient quelques mots, c’était à voix basse, comme s’ils avaient peur d’entendre même le son de leur voix.

Enfin, à neuf heures, quand ils commençaient à croire qu’ils ne sauraient rien de plus ce jour-là, ils virent entrer M. Losberne et M. Grimwig, suivis de M. Brownlow et d’un individu dont la vue arracha presque à Olivier un cri de surprise, car on lui dit que c’était son frère, et c’était ce même homme qu’il avait rencontré un jour de marché à la porte d’une auberge, et qu’il avait aperçu avec Fagin regardant à travers la fenêtre de sa petite chambre. Cet homme lança à l’enfant étonné un regard plein de haine et s’assit près de la porte. M. Brownlow,