Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/141

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donc un mot ou deux ; bien entendu d’avance, ajouta-t-il d’un ton grave, pour écarter toute méprise possible, que je n’ai pas envie de vous faire la cour. »

Il y eut sur le front uni de l’hôtesse une ombre d’un instant, mais une ombre qui n’avait rien de bien sombre et qui s’effaça, aussitôt sous un franc éclat de rire.

« Oh ! très-bien ! dit-elle ; s’il ne s’agit pas de me faire la cour, vous feriez mieux d’ôter votre bras.

— Mon Dieu ! à quoi bon ?… s’écria Mark. C’est tout à fait innocent.

— C’est innocent, cela va sans dire, répliqua l’hôtesse ; autrement, je ne le permettrais pas.

— Très-bien, dit Mark. Alors je le laisse. »

C’était tellement logique, que l’hôtesse se mit à rire de nouveau, lui permit de laisser son bras comme il était, tout en lui ordonnant de dire ce qu’il avait à dire et de se dépêcher.

« Mais c’est égal, vous êtes bien hardi, ajouta-t-elle.

— Ha ! ha ! s’écria Mark, je le trouve aussi vraiment ; je ne l’aurais jamais cru. Mais, je me sens capable de vous dire tout ce soir !

— Eh bien ! dites-moi ce que vous avez à me dire, et dépêchons, car il faut que j’aille me coucher.

— Alors, ma chère bonne amie, dit Mark, car jamais il n’y eut plus aimable femme que vous, puisque je suis si hardi, selon vous, laissez-moi vous dire ce qui arriverait probablement si nous allions tous les deux…

— Quelle folie ! s’écria Mme Lupin. Ne parlons plus de ça.

— Non, non, ce n’est pas une folie, dit Mark ; je désire que vous me prêtiez attention. Qu’arriverait-il probablement si nous allions nous marier tous les deux ? Si aujourd’hui je ne me trouve pas content et à mon aise dans cet agréable Dragon puis-je m’attendre à l’être davantage ? Jugez de ce que je serais alors. Vous ne croyez pas ? Très-bien ! Mais vous-même, avec votre bonne humeur, vous seriez toujours dans l’agitation et le tracas, toujours le cœur oppressé, toujours pensant que vous devenez trop vieille pour me plaire, toujours vous figurant que je me regarde comme enchaîné à la porte du Dragon, et que j’aspire à rompre mon lien : je ne peux pas dire que oui, mais je ne peux pas non plus dire que non. Je suis un peu vagabond ; j’aime le changement. Je pense toujours qu’avec ma bonne santé et mon caractère, j’aurais bien plus de mérite à être jovial et de bonne humeur, là où les choses vont