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Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/169

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la recommander à leurs amis. Mais M. Pecksniff, avec une admirable présence d’esprit, escamota ce document et le mit dans sa poche.

Puis il dit à miss Pinch, avec un air de condescendance et de familiarité plus marqué encore qu’auparavant, car il était bon de faire bien sentir au valet de pied qu’il voyait en eux, non pas les amis, mais bien les patrons de l’institutrice :

« Bonjour, bonjour. Que Dieu vous garde ! Vous pouvez compter que je continuerai de protéger votre frère Thomas. Soyez tranquille à cet égard, miss Pinch !

— Je vous remercie mille fois ! dit la sœur de Tom avec toute la chaleur de son cœur.

— De rien, répliqua-t-il en lui donnant de petites tapes sur la main. Ne parlons pas de cela. Vous me fâcherez si vous insistez. Ma douce enfant (ceci s’adressait à l’élève), adieu !… La charmante créature… dit M. Pecksniff, en dirigeant son regard pensif vers le valet de pied, comme s’il était question de lui ; c’est comme une vision brillante qui vient d’embellir la route de mon existence. Je ne l’oublierai pas de longtemps. Mes chères, êtes-vous prêtes ? »

Elles n’étaient pas tout à fait prêtes, car elles étaient occupées encore à faire des mamours à l’élève. Enfin, elles se décidèrent à partir, et, passant devant miss Pinch avec une arrogante inclination de tête et un salut aussitôt achevé que commencé, elles se précipitèrent en avant.

Ce fut, pour le valet de pied, une tâche assez difficile que de conduire jusqu’au dehors les visiteurs. En effet, M. Pecksniff éprouvait tant de jouissance à apprécier la splendeur de la maison, qu’il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter sans cesse, surtout lorsqu’ils se trouvèrent près de la porte du parloir, et d’exprimer son admiration à haute voix et en termes techniques. Le fait est que, du cabinet d’étude au gros mur de façade de la maison, il débita tout un cours familier de science architecturale appliquée aux maisons d’habitation, et il n’en était encore qu’aux prémisses de son éloquence, quand la compagnie arriva au jardin.

« Si vous regardez bien, dit M. Pecksniff descendant à reculons les marches du perron, en tournant la tête de côté et fermant à demi les yeux pour mieux saisir les proportions de l’extérieur, si vous regardez bien, mes chères, la corniche qui supporte l’entablement, et si vous observez la légèreté de sa construction, particulièrement du côté où elle contourne