Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/170

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l’angle sud du bâtiment, vous trouverez comme moi… Comment vous portez-vous, monsieur ? Bien, j’espère ! »

En effet, il s’interrompit pour saluer avec beaucoup de politesse un gentleman entre deux âges, qui se trouvait à une fenêtre d’un étage supérieur. S’il lui adressait quelques mots, ce n’était pas qu’il pût espérer de se faire entendre, car la chose était impossible, à la distance où était ce gentleman, mais c’était un accompagnement naturel et convenable de son salut.

« Je ne doute point, mes chères, dit M. Pecksniff, faisant semblant de montrer du doigt d’autres merveilles, que ce ne soit là le propriétaire. Je serai charmé de le connaître. Cela peut servir. Est-ce qu’il regarde de ce côté, Charity ?

— Il ouvre la fenêtre, p’pa !

— Ha ! ha ! s’écria gaiement M. Pecksniff ; ça va bien ! Il a reconnu que je suis du métier. Il m’a entendu tout à l’heure, sans nul doute. Ne regardez pas !… Quant aux piliers cannelés, mes chères…

— Holà ! hé ! cria le gentleman.

— Monsieur, votre serviteur, dit M. Pecksniff, ôtant son chapeau. Je suis heureux de faire votre connaissance.

— Ne marchez pas sur le gazon, s’il vous plaît ! hurla le gentleman.

— Je vous demande pardon, monsieur, dit M. Pecksniff, qui croyait n’avoir pas bien entendu. Vous dites… ?

— Ne marchez pas sur le gazon ! répéta vivement le gentleman.

— Nous n’avons pas du tout l’intention d’être indiscrets, monsieur, dit M. Pecksniff, essayant un sourire.

— Cela n’empêche pas que vous l’êtes, répliqua l’autre ; et de la pire espèce, des violateurs du droit de propriété. Est-ce que vous ne voyez pas une allée sablée ? Pour qui croyez-vous qu’elle soit faite ?… Qu’on ouvre la porte là-bas, et qu’on me mette ces gens-là dehors ! »

Après ces paroles, il referma la fenêtre et disparut.

M. Pecksniff remit son chapeau sur sa tête, et regagna sa citadine avec un grand calme et dans un profond silence, regardant les nuages d’un air de profond intérêt, tout en marchant. Après avoir aidé ses filles et Mme Todgers à monter dans la voiture, il resta quelques moments à considérer la citadine, comme s’il ne savait pas au juste si c’était une voiture ou un temple, car ses pensées étaient tout à Dieu ; et, quand il fut enfin suffisamment édifié là-dessus, il prit sa