Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/198

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que moi, et j’ose ajouter mes filles aussi (mes chéries, vous y consentez parfaitement, je pense ?), nous nous sentons capables de tout supporter.

— C’en est assez, dit Martin. Vous ne pourrez m’imputer aucune des conséquences de ce qui pourrait vous arriver. Quand partirez-vous ?

— Lorsqu’il vous plaira, mon cher monsieur. Ce soir même si vous le désirez.

— Je ne désire rien de déraisonnable ; et cela le serait. Serez-vous prêts à partir pour la fin de la semaine ? »

C’était précisément, de toutes les époques, celle à laquelle M. Pecksniff eût songé si on l’eût consulté sur le choix. Quant à ses filles, les mots qui vinrent justement sur leurs lèvres furent :

« Il faut que nous soyons chez nous samedi, cher p’pa. Vous savez.

— Il est possible, cousin, dit Martin tirant de son portefeuille un papier plié, que vos dépenses excèdent la valeur de ce billet. S’il en est ainsi, vous me ferez connaître, à notre première rencontre, le surplus de ma dette envers vous. Il est inutile que je vous indique mon adresse : en réalité, je n’ai point de domicile fixe. Dès que je serai établi, je vous en instruirai. Vous et vos filles, vous pouvez vous attendre à me voir avant peu : en même temps, je n’ai pas besoin de vous dire que tout ceci doit rester secret entre nous. Ce que vous avez à faire lorsque vous serez de retour chez vous est entendu d’avance. Ne m’en dites jamais rien, n’y faites jamais allusion. Je vous demande cela comme une faveur. Je n’ai pas l’habitude de dépenser beaucoup de paroles, mon cousin ; et je crois que nous avons dit maintenant tout ce qu’il y avait à dire.

— Un verre de vin, un morceau de ce gâteau de famille ? s’écria M. Pecksniff, cherchant à le retenir. Mes chéries !… »

Les deux sœurs s’empressèrent de le seconder.

« Pauvres enfants !… dit M. Pecksniff. Veuillez excuser leur trouble, mon cher monsieur. Elles sont tout âme. Ce n’est pas là ce qu’il y a de mieux pour traverser le monde, monsieur Chuzzlewit ! Ma fille cadette est déjà presque aussi avancée que son aînée, n’est-il pas vrai, monsieur ?

— Laquelle est la plus jeune ? demanda M. Chuzzlewit.

— Mercy ; elle a cinq ans de moins que sa sœur. Quelquefois nous avons l’amour-propre de trouver que c’est une jolie