Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/262

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meure si ce n’est pas là une des rencontres les plus terriblement stupéfiantes dont il soit parlé dans l’histoire ancienne et moderne !… Comment vous portez-vous ? Quoi de neuf dans les districts agricoles ? Comment vont nos amis les P… ff ?… Ah ! ah ! David, ayez des égards particuliers pour ce gentleman, je vous prie. Il est de mes amis.

— Tenez, dit Martin présentant la montre au prêteur, donnez-moi tout ce que vous pouvez me donner là-dessus. J’ai cruellement besoin d’argent.

— Il a cruellement besoin d’argent ! s’écria M. Tigg avec une extrême sympathie. David, vous aurez la bonté de traiter de votre mieux mon ami, qui a cruellement besoin d’argent. Vous traiterez mon ami comme moi-même. Une montre de chasse en or, David, une montre à roues, à recouvrement, montée sur diamants avec quatre trous, une montre à échappement, à balancier horizontal, une montre que je garantis sur mon honneur personnel pour marcher dans la perfection, comme j’ai pu l’observer avec attention pendant bien des années et dans des circonstances bien scabreuses. »

Ici il cligna de l’œil pour faire entendre à Martin que cette recommandation allait produire un effet immense sur le prêteur.

« Eh bien, David, continua-t-il, que dites-vous à mon ami ? Ayez soin de faire honneur à la recommandation d’une pratique comme moi, David.

— Je puis vous prêter trois livres sterling là-dessus, si cela vous convient, dit confidentiellement le commis à Martin. Cette montre est très-ancienne. Je ne peux pas en donner plus.

— C’est déjà bien gentil ! s’écria M. Tigg. Deux livres douze schellings six pence, pour la montre, et sept schellings six pence pour ma recommandation. Je suis content : c’est peut-être une faiblesse, mais je suis content. Trois livres sterling, c’est entendu. Nous les prenons. Mon ami se nomme Smivey, Chicken Smivey, demeurant dans Holborn, n° 26 et demi, chambre garnie, lettre B. »

Ici il cligna encore de l’œil pour apprendre à Martin que toutes les formalités et cérémonies prescrites par la loi étaient accomplies, et qu’il ne restait plus qu’à recevoir l’argent.

En effet, c’était exact : car Martin, qui n’avait pas d’autre ressource que de prendre ce qu’on lui offrait, exprima son consentement par un signe de tête ; bientôt il sortit avec les