— Est-ce que vous êtes chargé de quelque commission, pour leur avoir dit que vous étiez attendu ? demanda Martin.
— Non, monsieur, je n’en ai pas. C’était ce qu’on peut appeler une pieuse fraude. »
Martin lui jeta un regard méfiant ; mais dans la joyeuse figure et dans les manières de ce garçon (qui avec toute sa gaieté était loin d’être indiscret et familier) il y avait un je ne sais quoi qui désarma le jeune gentleman. Celui-ci d’ailleurs avait depuis plusieurs semaines mené une vie solitaire, et une voix humaine résonnait agréablement à son oreille.
« Tapley, dit-il, je vais vous parler à cœur ouvert. Autant que j’en puis juger, et d’après tout ce que j’ai entendu raconter à Pinch sur votre compte, vous n’avez pas l’air d’être un garçon qui soyez venu ici par une impertinente curiosité ou par tout autre motif blessant. Asseyez-vous, je suis content de vous voir.
— Merci, monsieur, dit Mark. J’aime autant rester debout.
— Si vous ne voulez pas vous asseoir, je ne dis plus un mot.
— Très-bien, monsieur. Votre ordre est une loi pour moi, monsieur. Me voilà installé. »
Et en effet, Mark s’assit sur la couchette.
« Servez-vous, dit Martin, lui tendant son couteau unique.
— Merci, monsieur, dit Mark. Après vous.
— Si vous ne vous servez pas tout de suite, je ne vous laisserai rien.
— Très-bien, monsieur, dit Mark. Puisque c’est votre désir… c’est fait. »
Tout en répondant ainsi, il se servit gravement, puis se mit à manger. Martin, après s’être livré quelque temps en silence au même exercice, dit tout à coup :
« Qu’est-ce que vous faites à Londres ?
— Rien, monsieur, absolument rien.
— Comment ?
— Je cherche une place.
— Je le regrette pour vous, dit Martin.
— Je voudrais une place auprès d’un monsieur seul. S’il était de la campagne, j’aimerais mieux cela. Un homme qui serait à bout d’expédients ferait bien mon compte ; je ne m’inquiète pas des gages. »
Il prononça ces mots d’une manière si positive que Martin qui mangeait s’arrêta et dit :
« Si vous avez pensé à moi…