Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/281

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observations et ma conviction, que ce sont des jeunes personnes bien dressées par leur père et formées exactement sur son modèle. Mais c’est une digression qui m’éloignerait de mon sujet, si elle ne me servait de transition naturelle à ce que je veux vous confier. »

Il s’arrêta pour fixer sur elle un regard, et ayant vu, en jetant rapidement un coup d’œil autour de lui, que non-seulement il n’y avait personne dans le Parc, mais que plus que jamais Mark étudiait l’effet de brouillard, il ne se borna point à regarder les joues de Mary, mais il l’embrassa par-dessus le marché.

« Je vous disais donc que je pars pour l’Amérique, avec de grandes espérances d’y réussir et de revenir ici avant peu ; ce sera peut-être pour vous y emmener quelques années ; mais, dans tous les cas, ce sera pour vous demander en mariage. Après tant d’épreuves, j’espère que vous ne regarderez plus comme un devoir de rester près de l’homme qui ne me permettra jamais, tant qu’il pourra, de vivre dans mon pays ; c’est l’exacte vérité. Naturellement la durée de mon absence est incertaine ; mais elle ne se prolongera pas bien longtemps, vous pouvez m’en croire.

— En attendant, cher Martin…

— Voilà où j’en voulais venir. En attendant, vous entendrez souvent parler de moi. Ainsi… »

Il s’interrompit pour prendre dans sa poche la lettre qu’il avait écrite la nuit précédente, et il continua en ces termes :

« Il y a au service de ce drôle, dans la maison de ce drôle (par le mot drôle, j’entends nécessairement M. Pecksniff.) il y a une personne qui s’appelle Pinch, n’oubliez pas ce nom, un pauvre original, bizarre et simple, mais parfaitement honnête et sincère, plein de zèle, et qui a pour moi une franche amitié que je veux payer de retour un de ces jours, en l’établissant de manière ou d’autre.

— Toujours votre bonne nature d’autrefois, Martin !

— Oh ! dit Martin, cela ne vaut pas la peine d’en parler, mon amour. Il m’est très-reconnaissant et brûle du désir de me servir ; je suis donc plus que payé. Un soir, j’ai raconté à ce Pinch mon histoire et tout ce qui me concerne. Il n’a pas pris un médiocre intérêt à ce récit, je puis vous l’affirmer, car il vous connaît. Oui, je conçois que vous en rougissiez de surprise, et comme cela vous va bien ! Je voudrais vous voir toujours comme ça ! mais vous l’avez entendu toucher de l’orgue