Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/301

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fashionables !… Voilà !… voilà !… voilà les journaux ! qui veut des journaux ?

— Voilà le Sewer ! criait un autre. Voilà le Sewer ! le Sewer d’aujourd’hui !… tirage à douze mille numéros avec le meilleur bulletin des marchés et toutes les nouvelles maritimes, quatre pleines colonnes de correspondance de l’intérieur ; avec un récit complet et détaillé du bal donné la nuit dernière par mistress White, où toutes les beauté et la fashion de New-York étaient réunies, et, de plus, des détails particuliers donnés spécialement pour le Sewer sur la vie privée des dames qui se trouvaient là !… Voilà le Sewer ! Voilà quelques exemplaires des douze mille numéros quotidiens du New-York Sewer !… Voilà les révélations du Sewer sur la clique de Wall-Street ; voilà les révélations du Sewer sur la clique de Washington ; voilà le récit publié exclusivement par le Sewer d’un acte flagrant d’indécence commis par le secrétaire d’État quand il n’était âgé que de huit ans ; récit qui a été obtenu, à grands frais, de sa propre nourrice. Voilà le Sewer ! Voilà le New-York Sewer, tiré à douze mille, avec une pleine colonne destinée à démasquer certains New-Yorkers dont vous trouverez ici les noms imprimés ! Voilà l’article du Sewer sur le juge qui l’a cité avant-hier pour fait de diffamation, et le tribut de reconnaissance du Sewer envers les jurés indépendants qui l’ont acquitté, ainsi que le compte établi par le Sewer de ce qui les attendait, s’ils l’avaient condamné !… Voilà le Sewer ! voilà le Sewer ! voilà le Sewer vigilant, toujours sur le qui-vive ; le premier journal des États-Unis ; il en est à son numéro douze mille, et l’on tire encore. Voilà le New-York-Sewer !

— C’est par ses moyens éclairés, dit une voix presque à l’oreille de Martin, que les passions bouillantes de mon pays se donnent satisfaction. »

Martin se retourna involontairement et aperçut, tout près de lui, un gentleman blême, ayant les joues creuses, les cheveux noirs, de petits yeux clignotants, et laissant voir dans cette partie de son visage une étrange expression qui n’était ni plaisante ni sévère, mais qui, au premier aspect, pouvait être prise indifféremment pour l’un ou pour l’autre. Il eût été difficile, même en y regardant à deux fois, d’assigner à cette expression une définition plus exacte que celle d’un mélange de finesse vulgaire et de moquerie. Ce gentleman, pour se donner un air d’importance, portait un chapeau à larges bords, et tenait ses bras croisés pour mieux faire ressortir la