Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/358

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« Comment ! mon père encore endormi ! s’écria-t-il en accrochant son chapeau et jetant les yeux sur le vieillard. Ah ! et il ronfle. L’entendez-vous ?

— Il ronfle ferme, dit M. Pecksniff.

— Il ronfle ferme ! répéta Jonas. Oui, laissez-le faire quant à ça : partout où il est, il ronfle pour six.

— Savez-vous, monsieur Jonas, dit Pecksniff, que je trouve… ce n’est pas pour vous effrayer… mais je trouve que votre père se casse ?

— Oh ! vous trouvez ? répliqua Jonas avec un mouvement de tête tout à fait en harmonie avec l’observation qu’il allait faire. Tudieu ! vous ne savez guère combien il est solide. Il n’est pas prêt à déménager de sitôt.

— J’ai été frappé du changement que j’ai remarqué sur ses traits et dans ses manières.

— Vous vous trompez bien, allez ! dit Jonas qui s’assit d’un air sombre. Jamais il n’a été mieux que maintenant. Comment va-t-on chez vous ? Comment va Charity ?

— Florissante, monsieur Jonas, florissante.

— Et l’autre ?… Comment va-t-elle ?

— Légère et badine créature !… dit M. Pecksniff s’abandonnant à une tendre rêverie. Elle va bien, elle va bien. « Diligente comme l’abeille, » elle voltige du parloir à la chambre à coucher, monsieur Jonas ; comme le papillon, elle butine de la cave au grenier ; comme l’oiseau-mouche, elle trempe son petit bec dans notre vin de groseilles ! Ah ! mon jeune ami, si elle pouvait être un peu moins étourdie qu’elle ne l’est, et ne posséder que les excellentes qualités de Cherry !

— Est-elle donc si étourdie ? demanda Jonas.

— Bon ! dit M. Pecksniff avec une grande expansion ; il ne m’appartient pas d’être trop sévère pour mon enfant ; mais elle paraît ainsi à côté de sa sœur Cherry. Voici un bruit étrange, monsieur Jonas !

— Quelque chose de dérangé dans la pendule, je suppose, dit Jonas, qui regarda ce meuble. Ainsi l’autre n’est point votre favorite, n’est-ce pas ? »

Le bon père se préparait à répondre, et déjà il avait appelé sur son visage une expression de sensibilité profonde, quand le bruit qu’il avait signalé déjà se reproduisit.

« Sur ma parole, monsieur Jonas, voilà une pendule extraordinaire, » dit Pecksniff.

Oui, la pendule eût été extraordinaire, en effet, si elle avait