Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/37

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— Non, dit Tom, regardant son ami en face, comme s’il ne se rendait pas bien compte de sa pensée, certainement non.

— C’est ce que je dis ; certainement non, n’ayez pas peur. S’il a accepté moins qu’il n’avait demandé, ce n’est pas non plus parce que ce moins-là c’était tout ce qu’elle possédait et plus qu’il ne s’attendait à obtenir ; oh ! non, Tom ! Il ne vous a pas pris pour aide, parce que vous lui êtes utile ; parce que votre incroyable confiance dans ses belles paroles lui rend d’inestimables services dans toutes ses misérables contestations ; parce qu’il reçoit le reflet de votre loyauté ; parce que les promenades qu’on vous voit faire aux environs, les jours où vous êtes libre, le nez dans de vieux bouquins en langues étrangères, font du bruit au dehors, qu’on en a parlé même à Salisbury, et que Pecksniff, comme votre maître, en a retiré la réputation d’homme de savoir et de haute importance. Il n’en retire pas beaucoup d’honneur, grâce à vous, Tom ; non, pas du tout.

— Eh bien ! non, certainement, dit Pinch, regardant son ami avec plus de trouble que jamais. Qui ? moi ? lui faire honneur ! faire honneur à M. Pecksniff ! Allons donc !

— Aussi ne vous ai-je pas dit que ce serait trop ridicule pour qu’on puisse supposer pareille chose ?

— Mais il faudrait être fou, dit Tom.

— Fou !… répéta le jeune Westlock. Certainement, il faudrait être fou pour supposer qu’il aime à entendre dire le dimanche que l’artiste de bonne volonté qui tient l’orgue à l’église, et qui, les soirs d’été, s’exerce à la brune avec tant d’habileté, est le jeune élève de M. Pecksniff, n’est-ce pas, Tom ? Il faudrait être fou pour supposer qu’un homme tel que lui soit bien aise de faire parler de lui partout avec ces travaux qu’il vous doit, ou « rien qui vaille, » comme vous dites, et qu’il passe par-dessus le marché pour vous avoir appris lui-même, n’est-ce pas, Tom ? Il faudrait être fou pour supposer que vous lui servez partout d’enseigne, à bien meilleur marché et beaucoup mieux que ne le ferait un tableau sur sa porte, un prospectus collé sur la muraille ? Il vaudrait autant supposer qu’en toute occasion il ne vous ouvre pas tout son cœur, toute son âme ; qu’il ne vous accorde pas un traitement d’une libéralité extravagante ; ou, ce qui serait plus affreux, plus monstrueux, si c’était possible, autant supposer (et ici, à chaque mot, John touchait doucement la poitrine de Pinch) que Pecksniff a spéculé sur votre caractère, sur votre dé-