Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/38

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fiance de vous-même, sur votre confiance dans tout le monde, mais, par-dessus tout, en celui qui la mérite le moins. Ce serait de la folie, n’est-ce pas, Tom ? »

M. Pinch avait écouté tout ce discours avec des regards pleins d’une stupéfaction en partie produite par le sujet des paroles de son ami, et en partie aussi par la volubilité et la véhémence de son camarade. Westlock ayant fini, Tom respira fortement ; et, attachant un regard scrutateur sur le visage de son interlocuteur, comme s’il ne pouvait se rendre bien compte de l’expression qu’il y lisait, et comme s’il voulait y trouver pour se guider un fil propice dans le labyrinthe de son esprit, il allait répondre, quand vint à retentir bruyamment à leurs oreilles le son du cornet, entonné par le conducteur de la diligence. Il fallut rompre brusquement la conférence. Le plus jeune des deux compagnons n’en parut pas fâché ; il s’élança vivement et pressa la main de Pinch.

« Vos deux mains, Tom, dit-il. Je vous écrirai de Londres ; vous pouvez y compter.

— Oui, dit Pinch. Oui ; n’y manquez pas, s’il vous plaît. Adieu, adieu ! C’est à peine si je puis croire à votre départ. Il me semble encore que vous n’êtes arrivé que d’hier. Adieu, mon cher vieux camarade ! »

John Westlock lui rendit ces paroles d’adieu avec une égale cordialité, et il grimpa sur l’impériale où il s’installa. La diligence repartit au galop sur la route obscure ; ses lanternes jetaient une vive clarté, et le cornet du conducteur éveillait au loin tous les échos.

« Va, suis ton chemin, dit Pinch, s’adressant à la diligence. Je ne puis m’imaginer que tu ne sois pas un être vivant, quelque monstre énorme qui, à certains intervalles, vient visiter ce pays pour y prendre mes amis et les emporter à travers le monde. Je te trouve ce soir encore plus fière, plus orgueilleuse que jamais, et tu as bien lieu de t’enorgueillir de ton butin ; car John Westlock est un brave garçon, un garçon sincère, et il n’a qu’un tort, à ma connaissance, sans le savoir, sans le vouloir peut-être : c’est d’être cruellement injuste pour Pecksniff. »


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