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Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/472

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Ici mistress Gamp regarda de côté l’entrepreneur, et prit un temps de repos.

« Une garde de nuit, hé ? dit Mould se frottant le menton.

— De huit heures du soir à huit heures du matin, monsieur ; je ne veux pas vous tromper.

— Et puis vous partirez ? demanda Mould.

— Tout à fait libre, monsieur, pour retourner soigner M. Chuffey. Comme c’est un homme tranquille et qui se met au lit de bonne heure, il sera couché presque tout le temps. Je ne vous cache pas, ajouta mistress Gamp d’un ton doucereux, que je ne suis qu’une pauvre femme, et que l’argent est quelque chose pour moi ; mais ne vous inquiétez pas de ça, monsieur Mould. Les gens riches peuvent bien se promener à dos de chameaux, mais il ne leur est pas tout à fait aussi aisé de regarder à travers le trou d’une aiguille. Voilà ma consolation, et je crois bien ne pas me tromper.

— Eh bien, mistress Gamp, dit Mould, je ne vois pas d’objection particulière à ce que vous gagniez honnêtement quelques sous dans cette affaire. Je fermerai les yeux, mistress Gamp. Je n’en parlerai pas à M. Chuzzlewit quand il reviendra, à moins que ce ne soit nécessaire ou qu’il ne le demande de but en blanc.

— J’avais le mot sur les lèvres, monsieur, répliqua mistress Gamp. En supposant que le gent vienne à mourir, j’espère que je pourrai prendre la liberté de dire à la famille que je connais une personne dans les pompes funèbres, et que cela ne vous fâchera pas, monsieur !

— Certainement, mistress Gamp, certainement, dit Mould d’un ton très-affable. Vous pourrez faire remarquer en passant que nous opérons agréablement dans une grande variété de styles, et que nous avons généralement la réputation de complaire autant que possible aux sentiments des survivants. Mais ne forcez rien, ne forcez rien. Tout doucement, tout doucement !… Ma chère, donnez donc, s’il vous plaît, une ou deux de nos cartes à mistress Gamp. »

Mistress Gamp prit les cartes, et, ne flairant plus de rhum (car la bouteille avait été remise en place), elle se leva pour partir en disant :

« Je souhaite de tout mon cœur mille prospérités à cette heureuse famille. Bonsoir, mistress Mould !… Si j’étais à la place de M. Mould, je serais jaloux de vous, m’dame ; et si j’étais à la vôtre, je serais jalouse de lui.