Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/66

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n’empêcherait pas le monde d’aller son train. Comme dit Hamlet, Hercule peut, avec sa massue, frapper partout autour de lui ; mais il n’empêchera pas les chats de faire un insupportable vacarme sur les toits des maisons, ni les chiens d’être abattus dans le temps des chaleurs, s’ils courent les rues sans muselière. La vie est une énigme, une infernale énigme, difficile à deviner, monsieur Pecksniff. Mon opinion est qu’il n’y a rien à répondre à cela, pas plus qu’à ce fameux logogriphe : « Pourquoi un homme en prison ressemble-t-il à un homme qui n’y est pas ? » Sur mon âme et mon corps ! c’est la chose la plus bizarre ; mais nous n’avons pas à nous en occuper ici. Ha ! ha ! »

Après cette consolante déduction tirée des sombres prémisses qu’il avait posées d’abord, M. Tigg fit sur lui-même un grand effort, et reprit ainsi le fil de son discours :

« Maintenant, je vous dirai ce qu’il en est. Je suis par nature un homme furieusement pacifique, et je ne puis rester tranquille à vous voir vous couper mutuellement la gorge avec le tranchant de vos épées quand cela ne vous sert à rien Monsieur Pecksniff, vous êtes le cousin du testateur logé en haut, et nous sommes son neveu. Je dis nous pour désigner Chiv. Peut-être, à la rigueur, êtes-vous plus que nous son proche parent. Très-bien. S’il en est ainsi, soit. Mais vous ne pouvez pas plus que nous rien tirer de cette parenté. Je vous donne ma plus grande parole d’honneur, monsieur, que depuis ce matin neuf heures, sauf de courts intervalles de repos, je suis resté à regarder à travers le trou de la serrure, attendant une réponse à une demande des plus modérées que l’esprit d’un homme puisse concevoir, une demande tout à fait de bonne compagnie, à l’effet d’obtenir un petit secours éventuel, quinze guinées seulement, sous ma caution. Cependant, monsieur, il reste tranquillement renfermé avec une personne étrangère en qui il met toute sa confiance. Je le dis donc fermement en face de la situation, cela ne devrait pas être, cela ne rime à rien, cela ne saurait subsister, on ne doit pas permettre que cela subsiste.

— Tout homme, dit M. Pecksniff, a un droit, un droit irrécusable (contre lequel, pour ma part, je ne voudrais pas protester ici, oh ! non, pour aucune considération terrestre), le droit de régler sa conduite personnelle sur ses sympathies et ses antipathies, toujours à la condition, bien entendu, qu’elles ne soient ni immorales ni irréligieuses. Je sens dans