Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/68

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midi. Il n’y a pas cinq minutes que je les ai vus, comme je montais la garde au coin de la rue.

— Oh ! Mammon ! Mammon ! s’écria M. Pecksniff se frappant le front.

— Ainsi, dit Slyme sans s’occuper de l’interruption, voilà déjà son frère et un autre neveu qui vous tombent ici.

— Voilà l’affaire, monsieur, dit M. Tigg ; c’est le point et la combinaison auxquels j’arrivais graduellement quand mon ami Slyme a su exposer le fait en six mots. Monsieur Pecksniff, maintenant que votre cousin, l’oncle de Chiv, est ici, il s’agit de prendre quelques mesures pour l’empêcher de disparaître de nouveau, et, s’il est possible, de neutraliser l’influence exercée sur lui en ce moment par cette artificieuse favorite. C’est ainsi que pensent, monsieur, toutes les personnes qui ont un intérêt dans l’affaire. La famille entière fond sur ce pays. Le temps est venu où les jalousies et les calculs individuels doivent être oubliés dans une trêve, et où l’on doit s’unir contre l’ennemi commun. Quand l’ennemi commun sera abattu, vous recommencerez tous à agir isolément pour vous-mêmes ; toute dame, tout gentleman qui a son jeu engagé dans la partie, marchera de son côté et, selon son plus ou moins d’habileté, poussera sa balle jusqu’aux barres du testateur ; personne n’y perdra rien. Songez à cela. Ne vous compromettez pas. Vous nous trouverez à toute heure à l’auberge de la Demi-Lune et des Sept Étoiles qui est, comme vous savez, dans ce village. Nous serons prêts à entendre toute proposition raisonnable. Hem ! Chiv, mon cher compagnon, partons et allons voir le temps qu’il fait. »

M. Slyme ne perdit pas un moment pour disparaître, et probablement pour tourner le coin de la rue. M. Tigg, ayant écarté ses jambes autant que pouvait convenablement le faire un homme doué du plus grand aplomb possible, secoua la tête vers M. Pecksniff et lui sourit.

« Nous ne devons pas être sévères, dit-il, pour les petites excentricités de notre ami Slyme. Vous l’avez vu me parler à l’oreille ? »

M. Pecksniff l’avait vu lui parler à l’oreille.

« Vous avez entendu ma réponse, j’imagine ? »

M. Pecksniff avait entendu la réponse.

« Cinq schellings, hein ! dit M. Tigg d’un air pensif. Ah ! quel garçon extraordinaire ! Trop modeste cependant ! »

M. Pecksniff ne répondit rien.