Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/81

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wit, monsieur, et que vous ne savez pas qu’il est parti, monsieur ?

— Parti !… tel fut le cri général.

— Parti, répéta M. Spottletoe. Parti, pendant que nous étions tranquillement ici. Parti. Et personne ne sait où il va. Oh ! vous verrez que non ! Vous verrez que personne ne savait où il allait. Oh ! mon Dieu non ! Jusqu’au dernier moment, l’hôtesse a cru qu’ils voulaient tout simplement faire une promenade, elle ne songeait pas à autre chose. Oh ! mon Dieu non ! Elle ne s’entendait pas avec ce fourbe. Oh ! mon Dieu non ! »

Ajoutant à toutes ces exclamations une sorte de hurlement ironique, puis jetant en silence un brusque regard sur l’assemblée, le gentleman, furieux, s’élança de nouveau au même pas accéléré, et bientôt il fut hors de vue.

Vainement M. Pecksniff s’efforça-t-il d’assurer les parents que cette nouvelle fugue, si habilement exécutée pour échapper à la famille, lui portait pour le moins un coup aussi rude et lui causait une aussi grande surprise qu’à pas un d’eux : de toutes les provocations, de toutes les menaces qui jamais furent amoncelées sur une tête, aucune, pour l’énergie et la franche allure, ne dépassa celles dont chacun des parents qui étaient restés le salua séparément en lui adressant son compliment d’adieu.

La position morale prise par M. Tigg était quelque chose de terrible ; et la cousine sourde qui, par une complication de désagréments, avait vu tout ce qui s’était passé sans pouvoir rien y comprendre que la catastrophe finale, se mit à frotter ses souliers sur le grattoir, puis en distribua l’empreinte tout le long des premières marches de l’escalier, comme pour témoigner qu’elle secouait la poussière de ses pieds avant de quitter ce séjour de la dissimulation et de la perfidie.

En résumé, M. Pecksniff n’avait qu’une consolation : c’était de savoir que tous ces gens-là, parents et amis, le haïssaient précédemment dans toute l’étendue du mot, et que, de son côté, il n’avait pas gaspillé parmi eux plus d’amour qu’avec son ample capital en ce genre il ne pouvait convenablement leur en fournir pour se le partager. Ce coup d’œil jeté sur ses affaires lui procura un grand soulagement ; et le fait mérite d’être noté, car il montre avec quelle facilité un honnête homme peut se consoler d’un échec et d’un désappointement.