Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/87

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a chez moi de ressources, à moins d’un hasard inattendu qui les révèle. Mais malheureusement je n’en suis pas là. Je m’en vais quitter le Dragon, monsieur.

— Vous allez quitter le Dragon ! s’écria M. Pinch, qui le considéra d’un air de profonde surprise. En vérité, Mark, vous me confondez !

— Oui, monsieur, répliqua Mark, embrassant du regard une longue étendue de chemin, comme un homme plongé dans une sérieuse méditation. Pourquoi resterais-je au Dragon ? Ce n’est pas du tout là la place qu’il me faut. Lorsque je quittai Londres (je suis né natif de Kent, tel que vous me voyez), et que je pris une position ici, je me dis que c’était bien le petit coin le plus triste et le plus écarté de toute l’Angleterre, et qu’il y aurait quelque mérite à rester jovial dans un semblable lieu. Mais, mon Dieu ! il n’est pas triste du tout, le Dragon ! Les quilles, la crosse, le palet, la boule, les chansons bachiques, les chœurs, la compagnie autour de la cheminée les soirs d’hiver, qui est-ce donc qui ne serait pas jovial au Dragon ? Il n’y a pas de mérite à ça.

— Mais si le bruit général n’est pas menteur, Mark, et je le crois d’après ce que j’ai vu, dit M. Pinch, vous êtes pour beaucoup dans cette gaieté, et c’est vous qui êtes le boute-en-train.

— Il peut bien y avoir quelque chose comme ça, monsieur, répondit Mark ; mais ce n’est point une consolation.

— En vérité ! murmura M. Pinch après un court silence, et d’un ton plus bas que de coutume. Je puis à peine en croire ce que vous me dites là. Mais que va devenir Mme  Lupin, Mark ? »

Mark regarda fixement encore devant lui et plus loin encore, comme pour répondre qu’il ne supposait point que ce fût pour Mme  Lupin un grand sujet de souci. Il y avait quantité de jeunes gaillards qui seraient bien aises d’avoir la place. Il en connaissait au moins une demi-douzaine.

« C’est possible, dit M. Pinch ; mais je ne suis pas du tout sûr que Mme  Lupin soit bien aise de vous remplacer. Vrai, j’avais toujours supposé que Mme  Lupin et vous, Mark, vous pourriez vous marier ensemble ; et chacun, autant que je puis croire, le supposait aussi.

— Jamais, répondit Mark avec un certain embarras, nous ne nous sommes rien dit, elle à moi ni moi à elle, qui ressemblât à de la galanterie ; mais je ne sais pas ce que j’aurais pu