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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/1007

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BOU

qui est le plus attendu. ☞ On le dit en général, de ce qu’on reserve d’agréable pour la fin.

Flux de bouche, se dit non seulement de ceux qui crachent beaucoup, ou de ceux à qui on provoque la salivation par des remèdes, salive profluvium ; mais encore dans le sens figuré, de ceux qui parlent beaucoup, qui ne peuvent se taire. Loquendi profluentia. On dit figurément, fermer la bouche à quelqu’un, lorsqu’on lui défend de parler, ou qu’on lui coupe la parole, & qu’on le corrompt par l’espérance de quelque récompense, comme quand on dit, on lui a fermé la bouche avec de l’argent : on le dit aussi, quand on lui apporte des raisons si convaincantes, qu’il ne sauroit y répondre. Occludere linguam alicui.

Au contraire, on dit qu’un homme n’ose ouvrir la bouche, pour dire, qu’il n’ose se plaindre des maux qu’il souffre, des violences qu’on lui fait : on le dit aussi pour exprimer qu’il est timide & honteux, qu’il n’ose dire son sentiment dans les compagnies où il se trouve. Mutire nihil audet.

Bouche, se dit aussi des ouvertures par lesquels les fleuves se déchargent dans la mer. Ostium. Damiette est sur une des bouches du Nil. Le Danube se décharge par sept bouches dans le Pont-Euxin. On le donne aussi à l’entrée des Golfes & des Détroits ; les bouches de Bexinora, entre les îles de Sardaigne & de Corse ; la bouche du Golfe de Venise. T. Corn.

Bouche, en termes d’Organiste, se dit de l’ouverture d’un tuyau qui donne libre entrée au vent. Hiatus. Elle est large de la quatrième ou cinquième partie de sa grosseur. On la nomme ainsi parce qu’on dit que les tuyaux parlent ; on l’appelle quelquefois lumière.

Bouche, se dit figurément. Les plaies d’un homme assassiné, sont autant de bouches muettes qui demandent vengeance. Ora.

Sa valeur en cet état réduite
Me parlait par sa plaie, & hâtoit ma poursuite :
Par cette triple bouche elle empruntait ma voix.
Corneille.

Les trophées, les grands monumens, sont autant de bouches qui annoncent la gloire des Héros. Les charités que nous faisons aux pauvres, sont autant de bouches qui prient Dieu pour nous.

Bouche, signifie aussi chez les Rois & les Princes, ce qui regarde leur boire & leur manger. Quidquid ad quotidianam Principis mensam pertinet. Les Officiers de la bouche. Le vin de la bouche. Aller à la bouche du Roi ; c’est-à-dire, au lieu où on lui prépare son manger. Bouche en ces phrases signifie un des sept offices de chez le Roi, qu’on appelle aussi Cuisine-Bouche, pour le distinguer du gobelet, Qui est un autre office : les Officiers de ces deux offices ne travailleur que pour la personne du Roi, & ne servent que Sa Majesté. On appelle absolument la Bouche, les Officiers de la bouche du Roi. La Bouche est partie. On dit d’un mets qu’on veut bien priser, quand ce seroit pour la bouche du Roi, je n’en donnerois pas de meilleur. On dit aussi, avoir bouche à Cour ; pour dire, être nourri aux tables & aux dépens des Princes & des Grands Seigneurs. Quotidianæ mensæ jus habere apud Principem.

On dit en Cour de Rome, ouvrir la bouche aux Cardinaux, en parlant d’une cérémonie qui se fait dans un Consistoire secret, où le Pape ferme la bouche aux Cardinaux qu’il a nouvellement nommés, ensorte qu’ils ne parlent point, quoique le Pape leur parle ; ils sont privés de toute voix active & passive jusqu’à un autre Consistoire, où le Pape leur ouvre la bouche, & leur fait une petite harangue, pour leur montrer de quelle manière ils doivent parler, & se comporter dans le Consistoire.

En termes de Palais, on dit, ouir un homme par sa bouche, lorsqu’il comparoît en personne, & non par Procureur. On dit qu’un vassal doit à son Seigneur la bouche & les mains, pour dire, qu’il lui doit un hommage, aveu & soumission : ce qui se fait non-seulement de la bouche & par paroles ; mais aussi des mains, en mettant ses mains dans les mains de son Seigneur féodal. Beneficiariæ possessionis obligatio. Clientelæ professio ore facta & manu.

Bouche, en termes de Manège, se dit des chevaux, & de la sensibilité qu’ils ont en cette partie, où on leur met le mors. On dit qu’ils ont la bouche fine, tendre, légère, loyale quand ils s’arrêtent pour peu qu’on lève la main. Os eruditum ac docile. Une bouche fausse est celle qui n’a aucune sensibilité. Sensu carens. Une bouche forte, ruinée & désespérée, se dit des chevaux qui n’obéissent point, qui s’emportent. Durum atque asperum. Une bouche assurée, est celle qui ne bat, qui ne pese jamais à la main. Tractabile. On appelle un cheval sans bouche, celui qui n’obéit point au Cavalier. Indocile, intractabile. Bouche chatouilleuse, est celle qui craint trop le mors. Delicatum, tenerum. Bouche à pleine main, est celle qui a l’appui assuré, & qui souffre qu’on tourne la main sans le cabrer, ni peser sur le mors. Patiens. Bouche au-delà de pleine main, ou plus qu’à pleine main, est celle d’un cheval qui a de la peine à obéir. Durum, difficile, frœni impatiens. Le cavesson doit être fort serré, & bien doublé d’un cuir double pour le moins, de peur qu’il ne blesse le cheval ; car bien que ce soit un vieux proverbe, que nez saigneux fais bonne bouche, je luis fort allure que si on ne lui fait point mal au nez, la bouche n’en sera que meilleure. Newc. Les imperfections de la bouche des chevaux sont, 1°. lorsque le cheval tire en haut & suce la langue, 2°. quand il la met par-dessus le mors, 3°. lorsqu’il la double autour du mors, 4°. quand il la laisse pendre hors de la bouche, soit tout droit en avant, ou de l’un des deux côtés. Le cheval ne reçoit aucun préjudice de tous ces vices auxquels il n’y a point de remèdes. Idem. p. 426 & suiv.

En ce sens, on dit figurément d’un homme, qu’il n’a ni bouche ni éperon ; pour dire, qu’il n’est bon à rien, qu’il ne sait rien faire, qu’il est stupide & insensible ; & on dit qu’un homme est fort en bouche non-seulement quand il est difficile à conduire, mais aussi quand il est violent en paroles, qu’il parle beaucoup, avec hauteur, ou qu’il s’emporte à dire des injures.

Bouche. Terme de Conchyliologie. Il se dit de l’ouverture par laquelle les coquillages prennent leur nourriture. Os conchæ. Généralement tous les coquillages ont l’ouverture de la bouche à droite, & il n’y en a que cinq ou six espèces dans lesquelles cette ouverture se trouve à gauche, & que l’on nomme ordinairement uniques, à cause de cette singularité. Gersain.

Il y a encore d’autres animaux, à l’égard desquels on se sert du mot de bouche. Rondelet, dans son Histoire des poissons, dit bouche de saumon, bouche de carpe, bouche de grenouille.

On dit, en termes de guerre, la bouche d’un canon, la bouche d’un mortier, pour dire, l’ouverture par où le boulet sort, ou la bombe. On dit aussi des munitions de bouche, pour dire, tout ce qui est nécessaire à la substance d’une garnison, ou d’un peuple enfermé dans une ville assiégée. On dit aussi qu’une garnison est sortie tambour battant, mèche allumée, balle en bouche ; pour dire, qu’elle est sortie avec un mousquet chargé, & une balle dans la bouche, pour le charger plus promptement une autrefois.

Bouches à feu. En termes d’Artillerie, on nomme bouches à feu les canons & les mortiers. Tormentum bellicum. Il y a un instrument pour calibrer les bouches à feu, c’est-à-dire, les pièces de canon, les mortiers. Il est de l’invention de M. de Buzani, Commissaire provincial d’Artillerie, Commandant les Ecoles de ce Corps à Grenoble. On a taillé un chemin dans le roc, pour conduire les quatre bouches à feu, qui composent cette batterie, c’est-à-dire, deux canons & deux mortiers.

Bouche, ou Bosson. Terme de Marine. C’est la rondeur des bans & tillacs, & c’est proprement tout ce qui est relevé hors d’œuvre, qui n’est pas plat & uni.

Bouche, se dit proverbialement en ces phrases. Il a dit cela de bouche, mais le cœur n’y touche, en parlant d’un homme faux qui ne parle pas selon ses vrais sentimens. On dit aussi qu’on a traité quelqu’un à