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ADI

Ainsi, fidèle, grand, &c. sont adjectifs, & censés tels dans la Grammaire. Au contraire, les mots Roi, Vainqueur, Magistrat, &c. ne sont jamais censés adjectifs dans l’usage de la Grammaire, quoiqu’ils le soient en effet très-souvent. Souvent il se tourne en substantif, comme blanc, sage, vertueux. Nous avons trois adjectifs qui ont deux terminaisons pour le masculin : vieux & vieil, beau & bel, nouveau & nouvel.

Ce terme de Grammaire vient du Latin adjicio, ajouter, parce qu’on le joint au substantif, sans lequel il ne peut faire un sens fixe & positif. C’est pourquoi, à proprement parler, les adjectifs n’ont point de genre : ils ont seulement une propriété & une terminaison différente pour se joindre avec les divers genres. Il n’est pas aisé de décider en quel genre doit être mis l’adjectif, lorsqu’il est mis après deux substantifs qui sont de différent genre. Par exemple, faut-il dire, il avoit les pieds & la tête nue, ou nus ? Selon la Grammaire Latine, le dernier doit l’emporter, parce que le masculin prédomine toujours, lorsqu’il se rencontre avec le féminin. Cependant l’usage s’est déclaré pour le féminin, lorsqu’il touche immédiatement le substantif féminin : il a le nez & la vue courte. Mais lorsqu’ils sont séparés par un verbe, & qu’ils régissent un pluriel, il faut mettre l’adjectif au masculin, quoiqu’il soit plus proche du substantif féminin. Le mari & la femme sont importuns. Vaug. Corn.

Observez qu’en matière d’outrages, les adjectifs sont beaucoup plus offensans que les substantifs. Par exemple, c’est un fourbe, est plus injurieux que si l’on disoit, il a fait une fourberie. La raison est que l’adjectif marque une habitude ; & le substantif seulement un acte. Cependant il est bon de remarquer que souvent le substantif est plus fort, & plus significatif que l’adjectif, & presque toujours on y ajoutent même. Ce n’est point un fourbe, c’est la fourberie même. C’est la paresse même que cet homme-là ; pour dire, c’est un paresseux achevé, c’est la négligence même, c’est-à-dire, un homme très-négligent. Alors on personnifie en quelque sorte ces substantifs, & ils ont bien plus d’énergie que l’adjectif. Il en est de même en Grec & en Latin. Appeler un homme scelus, slagitium, perjurium, c’est plus que de l’appeler scelerate, slagitiose, perjure. La raison est qu’un fourbe, un scélérat, un paresseux, &c. peut changer & devenir homme de bonne foi, homme de bien, diligent, &c. mais la fourberie, le crime, la paresse, ne peut pas ne pas être fourberie, crime, paresse, il lui est essentiel d’être telle ; & de même dans le bien. M. de Balzac n’a osé décider la question, si l’adjectif doit suivre ou précéder le substantif. En effet, il n’y a point de règle fixe ; il faut s’attacher à l’usage, pour donner la préséance à l’un ou à l’autre : ☞ Il y a des adjectifs qui ne vont qu’après leurs substantifs. Habit rouge. Accent gascon. Air indolent. Beauté Romaine. Coutume abusive, &c.

☞ Il y en a d’autres qui précèdent toujours les substantifs qu’ils qualifient. Grand Général. Brave Soldat. Profond respect. Dernière misère, &c.

☞ D’autres enfin se placent également bien devant ou après leurs substantifs. C’est un savant homme, c’est un homme savant. Ami véritable, véritable ami. Regards tendres, tendres regards.

☞ Quelquefois même la position de l’adjectif avant ou après le substantif, change entièrement la valeur du substantif. Honnête homme, homme honnête, gentilhomme, homme gentil. Sage-femme, femme sage, Galant homme, homme galant. Homme plaisant, plaisant homme.

☞ Nous n’avons sur ce point de la position de l’adjectif, soit avant, soit après son substantif, d’autre règle que le seul bon usage, c’est-à-dire, le commerce des personnes qui font le bon usage. C’est une règle générale, & très-commune, que l’adjectif doit s’accorder avec le substantif en nombre, en genre, & en cas. On dit cependant des Lettres-Royaux. Voyez au mot Lettre. Quand certains noms sont suivis du génitif, on fait accorder l’adjectif pour le genre avec ce second nom qui est au génitif, & non pas avec le nom collectif. Une troupe de gens étourdis. Un grand nombre de soldats y furent tués.

ADJECTION. s. f Terme dogmatique. Jonction de quelque corps à un autre. Adjectio, Copulatio. L’accroissement des corps naturels se fait par adjection de parties.

ADJECTIVEMENT. adv. D’une manière adjective. Adjective more, modo. La plupart des noms s’emploient tantôt adjectivement, tantôt substantivement.

ADIEU. adv. Terme de compliment, dont on se sert quand on prend congé les uns des autres, quand on se sépare. Vale. Il y eut bien des larmes répandues quand ils se dirent adieu. Il est parti sans nous dire adieu. Il ne dit jamais adieu à ses amis.

Iris, lorsqu’il me faut retirer de chez vous.
Plus de vingt fois en un quart-d’heure,
Je dis adieu, puis je demeure. La Sabl.

Adieu, est quelquefois un s. m. Un tendre adieu déchire le cœur d’un amant bien touché. S. Evr. Il s’emploie élégamment au pluriel. Rien n’étoit plus touchant que leurs tristes adieux. Portez-lui mes adieux, & recevez les siens. Racine. Il n’eut pas la force de recevoir des adieux si tendres, sans être attendri lui-même. Bouh. Xav. I. III.

On dit familièrement, adieu jusqu’au revoir : sans adieu, pour marquer qu’on se reverra bien-tôt. Je ne lui veux dire que bon jour & adieu ; pour dire, je ne lui veux dire qu’un mot.

Adieu, se dit figurément, mais en style de conversation seulement, d’une personne en danger, ou d’une chose qui court grand risque. Si la fièvre redouble, adieu le malade. Actum est. Si vous laissez approcher cet étourdi, adieu mes porcelaines.

Adieu, se dit aussi des choses qui passent, qui nous échappent, & que nous regrettons. Valedicere. Dès que la S. Martin est venue, adieu les beaux jours. Quand on a passé 60 ans, il faut dire, adieu la joie & les plaisirs.

On dit aussi, dire adieu au vin, au jeu, aux femmes, à la débauche, au commerce, & au monde ; pour dire, y renoncer, se retirer des choses pour lesquelles on avoit de l’attachement. Renuntiare, nuntium remittere. En ce cas il marque de la tendresse & du regret. Se dire adieu pour jamais : se dire un éternel adieu : se dire le dernier adieu : cela marque une longue séparation, & une résolution, ou une nécessité, de ne se revoir jamais.

Adieu, je vais, le cœur trop plein de votre image,
Attendre, en vous aimant, la mort pour mon partage.

Rac
.

Adieu, est aussi un terme de commandement, de chagrin, ou de refus, lorsqu’on chasse, ou congédie quelqu’un. Adieu, vous m’importunez trop. Apage te. Adieu, en voilà assez ; j’entends votre affaire.

On dit proverbialement, adieu la voiture, adieu vous dis, c’est fait de lui ; pour dire, qu’un homme se meurt, qu’il est perdu. Adieu paniers, vendanges sont faites ; pour dire, qu’on n’a plus besoin de certaines choses, quand la saison où l’on s’en sert est passée. Adieu mon argent, adieu mes espérances ; pour dire, qu’on a perdu son argent, ses prétentions.

On dit en termes de Marine, adieu va, ou parez à virer, pour avertir l’équipage, afin qu’il manœuvre de concert, lorsqu’on veut faire virer le vaisseau pour changer de route.

Adieu-tout. Manière de parler dont se servent les Tireurs d’or, pour avertir ceux qui tournent le moulinet que la main est placée surement, & qu’ils n’ont plus qu’à marcher. Encyc.

Adieu command. Vieille façon de parler, qui se disoit du temps de Marot ; pour dire, adieu vous dis, ou plutôt c’est : A Dieu je recommande. Adieu commande votre amitié, je renonce à votre amitié, je l’abandonne & la recommande à Dieu, ne m’en embarrassant plus.

Le Cap d’Adieu est le même que le Cap Farwel, nom qui signifie la même chose. Il est vis-à-vis la pointe la plus orientale de l’Estotilande.

ADIGE. s. f. Athesis. Rivière d’Italie, qui prend sa source au mont Brennet, dans le Tirol, & après avoir passé le Trentin & le Véronnois, se jette dans la mer Adriatique,