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ALO
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Plutost passans que le vol d’une alouë.

Ce mot se trouve dans Villon.

ALOÉ. Vieux mot, qui veut dire, loué, laudatus.

Et des loent les aloez. R. de la Rose.

ALOÈS. s. m. Aloè. Nom d’un genre de plante dont les fleurs sont des tuyaux découpés profondément en six parties, & dont les fruits naissent ou du pistil, ou de la partie postérieure de la fleur, & sont longs, comme cylindriques, divisés en trois loges remplies de semences aplaties & presque demi-circulaires, posées les unes sur les autres. Tournefort. Dioscoride, Pline, & tous les anciens Naturalistes, n’avoient la connoissance que d’un Aloès, que nous nommons Aloès commun, Aloë vulgaris ; plante commune en Sicile, & qu’on cultive dans plusieurs jardins. Sa racine est un pivot oblique, garni par intervalles de quelques fibres chevelues, plein de suc, blanchâtre en dehors, & d’un goût un peu amer. Elle donne à son collet plusieurs feuilles disposées en rond, & dont les plus longues ont environ un pied & demi. Elles s’embrassent par leur base, & sont charnues, d’un vert gai qui pâlit par la suite, remplies d’un suc glaireux & tant soit peu amer, terminées en pointe, & garnies sur leurs bords de petits piquans courbes, dont les pointes regardent le haut des feuilles. D’entre ces feuilles s’élève une tige branchue, haute de deux à trois pieds, & garnie de plusieurs fleurs jaunes, ramassées en épi. Le pistil de ces fleurs devient un fruit oblong, divisé en trois loges, qui contiennent des semences aplaties & brunes. Le suc qui coule des racines de cette plante & de ses feuilles coupées, étant desséché au soleil, se réduit en une substance résineuse semblable à l’Aloès succotrin. F. Columna l’a éprouvé à Naples. Les voyages fréquens qu’on a faits depuis quelques années, en Asie, en Afrique & en Amérique, ont donné lieu à la découverte de plus de quarante espèces d’Aloès inconnues à l’antiquité. Il est vrai que dans ce nombre il n’y en a peut-être pas douze dont on puisse tirer un suc amer & purgatif, & que les autres espèces ont des usages tout différens ; les unes fournissant une liqueur vineuse par le moyen de la fermentation, d’autres contenant dans la substance charnue de leurs feuilles, des filamens blancs & fermes, dont on fait dans les Indes plusieurs ouvrages. Il est faux que l’Aloès ne fleurit que tous les cent ans, & il n’est pas vrai qu’il fasse du bruit lorsqu’il fleurit. Ce conte a été fait à plaisir à l’occasion des Aloès d’Amérique. Aloë Americana, ou Aloë folio in oblongum aculeum abeunte. C. B. Pin. Celui qu’on cultive en Catalogne, sert pour border des haies ; c’est à cause de la filasse qu’on tire de ses feuilles, & dont les Catalanes font des guippures, à l’exemple des Indiens, qui en font des cordages, des toiles & des hamacs. Cette plante a sa racine vivace, longue, noueuse comme celle du roseau. De ces nœuds partent de petits rejetons qui servent à multiplier l’espèce. Le collet de ces racines est formé par plusieurs feuilles, fort épaisses & comme triangulaires à leur base, charnues, d’une couleur cendrée, ou de vert-de-mer, d’un goût d’herbe, longues à proportion de leur âge, les plus longues ayant environ cinq pieds, terminées par un aiguillon dur & noir, & garnies sur leurs bords d’épines crochues, noirâtres, dont la pointe regarde le bas des feuilles. Lorsque cette plante est parvenue à une grosseur suffisante, elle pousse d’entre ses feuilles une tige verdâtre, fort haute, branchue, & garnie de quelques petites feuilles : chaque branche est terminée d’un bouquet de fleurs jaunes à étamines & à sommets, de même couleur : la partie postérieure de ces fleurs est un embryon de fruit oblong, verdâtre, triangulaire, cannelé, & divisé en trois loges, qui renferment des semences aplaties. On voit rarement fleurir l’Aloès d’Amérique dans les pays froids : on a eu cependant cette satisfaction au Jardin Royal en 1663 & 1664, & on ne s’apperçut pas d’aucun bruit. Quelques voyageurs rapportent que ses fleurs contiennent une liqueur mielleuse très-agréable. On peut joindre à ces deux espèces que nous venons de décrire, une troisième qui commence à devenir commune dans les jardins, & qu’on appelle Aloès perroquet, à cause que ses feuilles sont d’un beau vert panaché de blancs ; c’est l’Aloë Africana, humilis, foliis ex albo & viridi variegatis. Commel. Cette plante est basse, vivace, & pousse au collet de ses racines quelques feuilles longues de huit pouces au plus, fort épaisses, charnues, triangulaires, terminées en pointe, rudes sur leurs bords, appliquées les unes sur les autres & panachées d’un vert de perroquet, & d’un blanc qui jaunit un peu en se passant. D’entre ses feuilles s’élève une tige ronde, tachée, longue d’un pied & demi au plus, & garnie à son extrémité de quelques fleurs couleur de ponceau, longues d’un pouce, & découpées profondément en six parties. Toutes ces trois espèces craignent le froid.

Aloès, vient du mot grec ἅλς, qui signifie sel & la mer, apparemment à cause qu’on trouve l’Aloès sur les côtes maritimes : par la même raison on le nomme Joubarbe de mer, semper vivum marinum, c’est-à dire, plante grasse du bord de la mer. On l’appelle aussi Perroquet, à cause de la couleur des ses feuilles, qu’on compare à celle des ailes du perroquet.

ALOË, ou ALOÈS. s. f. Aloë. Suc épaissi d’une plante grasse qu’on nomme Aloès, & non pas de l’arbre qui donne le bois d’Aloès. On distingue ordinairement trois sortes d’extrait d’Aloë ; l’un qu’on nomme succotrin, parce qu’on nous l’apporte de Succotra, est le plus pur, le plus transparent, & d’un beau jaune, lorsqu’il est écrasé. L’autre s’appelle hépatique, à cause de sa couleur de foie ; il est résineux, d’une odeur qui tient de la myrrhe ; & sa couleur est jaune lorsqu’il est mis en poudre : il nous vient de la Chine. Pour le troisième, comme il est le plus impur, le plus noir, & qu’il ne s’emploie presque que pour les chevaux, il a gardé le nom de caballin, & on s’en servoit autrefois dans les Indes Orientales pour goudronner les vaisseaux au lieu de poix. L’Aloë qu’on nomme lucide, Aloë lucida, paroît ne différer du succotrin & de l’hépatique, que parce qu’il se rompt en morceaux transparens comme les résines bien pûres & bien desséchées.

Nous avons encore un Aloë qui est d’une odeur très-vineuse, qui est renfermée dans de grosses callebasses, & qui se prépare dans l’île Barbade. On a cru mal-à-propos que ces différences ne dépendoient que du plus ou du moins de purification ; car on ne voit pas que par des dissolutions réitérées l’hépatique devienne succotrin, ou que le caballin se change en hépatique. D’ailleurs on remarque que parmi les espèces de plantes d’Aloès, qui ont un suc amer, il y en a dont le suc approche par son odeur de l’Aloë soccotrin, d’autres du caballin. La manière de faire l’extrait d’Aloès est aisée, puisqu’il n’y a qu’à faire dessécher le suc qui coule de ses feuilles coupées. L’Aloë est très-amer, purgatif, bon pour tuer les vers ; extérieurement appliqué en substance, ou en teinture, il résiste à la pourriture, à la gangrène & à la carie.

Messieurs de l’Académie des Sciences, comme on le verra ci-après, appellent Aloès le suc, aussi-bien que la plante d’où on le tire. L’Aloès est un suc concret tiré d’une plante de même nom : on ne sait pas bien certainement, ni de quelles parties de la plante, ni de quelle manière il est tiré. Il faut qu’il soit pur, transparent, amer, d’une odeur forte. Acad. des Sc. 1708, p. 54. Hist. L’Aloès est rangé parmi les purgatifs moyens. Par les analyses d’extraction que M. Boulduc a employées, il paroît que l’Aloès succotrin contient près de la moitié moins de résine ou de matière sulfureuse, & environ un tiers plus de matière saline, que l’hépatique. Pour le caballin, il est si impur, & a tant de terre, par rapport à la petite quantité de ses soufres & de ses sels, qu’il ne mérite pas qu’on en tienne compte. La différente proportion des principes de l’Aloès succotrin & de l’hépatique, pourroit bien être la cause de leurs différentes propriétés. Comme la partie résineuse de l’Aloès, à la différence des autres purgatifs, n’est qu’un peu ou point purgative, le