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AMB
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leur personne. Mol. Cette femme est un ambigu de prude & de coquette.

Ambigu. Terme de jeu. C’est le nom d’un jeu de cartes qui se joue avec le jeu entier, dont on a ôté toutes les figures. On le joue depuis deux joueurs jusqu’à six ; mais il est plus agréable & plus récréatif à cinq ou six qu’à deux. On le nomme l’ambigu, parce qu’il est composé de plusieurs autres jeux.

AMBIGUITÉ. s. f. Obscurité de paroles, qui fait qu’on a de la peine à démêler au juste la pensée de quelqu’un. Ambiguitas. Il faut que les termes des loix & des édits soient clairs, & sans ambiguité. Un cœur droit & sincère s’explique sans détour, & sans ambiguité. S. Evr.

Ambiguité. Équivoque, double sens, dans une signification synonyme. L’Ambiguité, dit M. l’Abbé Girard, a un sens général, susceptible de diverses interprétations ; ce qui fait qu’on a de la peine à démêler la pensée précise de l’Auteur, & qu’il est même quelquefois impossible de la démêler au juste. Le double sens a deux significations naturelles & convenables, par l’une desquelles il se présente littéralement pour être compris de tout le monde, & par l’autre il fait une fine allusion, pour n’être entendu que de certaines personnes. L’Equivoque a deux sens, l’un naturel qui paroît être celui qu’on veut faire entendre & qui est effectivement entendu de ceux qui écoutent ; l’autre détourné, qui n’est entendu que de la personne qui parle, & qu’on ne soupçonne pas même pouvoir être celui qu’elle veut faire entendre.

☞ Ces trois façons de parler, sont dans l’occasion des subterfuges, pour cacher sa véritable pensée. Mais on se sert de l’équivoque pour tromper ; de l’ambiguité, pour ne pas trop instruire ; & du double sens, pour instruire avec précaution. L’ambiguité est peut-être plus souvent l’effet d’une confusion d’idées, que d’un dessein prémédité de ne point éclairer ceux qui écoutent. On ne doit en faire usage que dans les occasions où il est dangereux de trop instruire.

AMBIGUMENT. adv. D’une manière ambigue. Ambiguè. Ce criminel répond toujours ambigument. Un habile négociateur fait parler ambigument, & d’une manière enveloppée, pour faire valoir, ou pour diminuer dans la suite la force des mots, selon ses intérêts. La Bruy. Ces mots viennent d’ambo, deux, & ago, je pousse. Et l’on appelle ambigu & ambiguité, ce qui tient l’esprit en suspens, qui le divise çà & là, sans qu’il puisse se résoudre à un parti fixe & déterminé. De Roch. Ce qui le pousse, l’entraîne, le porte également de deux côtés, en lui offrant deux sens, dont il ne sait lequel prendre.

AMBION. Nom que quelques-uns donne au ruisseau qui passe à Caudebec. Voyez la Descr. géogr. & hist. de la haute Norm. tom. I. pag. 7.

☞ AMBITÉ. adj. Terme de Verrerie, qui se dit du verre quand il est mou, quand il n’y a pas assez de sable : alors il est tout parsemé de petits grumeaux & casse facilement.

AMBITIEUX, EUSE. adj. Rempli d’un desir, déréglé de gloire, de dignité, de fortune, qui a une passion excessive de s’agrandir. Ambitiosus. C’est un homme ambitieux d’honneur. Le P. Bouhours désapprouve cette phrase, & a raison. Un Prince ambitieux est mauvais voisin. César étoit ambitieux outre mesure. Il faut être délicatement ambitieux. Esp.

La fortune capricieuse
Fait acheter trop cher le suprême crédit :
Et la crainte, & l’espoir d’une ame ambitieuse,
La font plus souffrir qu’on ne dit. M. Scud.

On appelle Ornemens ambitieux, dans un discours, des ornemens trop recherchés, trop affectés.

☞ Ce mot est souvent employé substantivement. Un ambitieux a autant de maîtres qu’il y a de gens qui lui sont utiles. La Bruy. L’ambitieux ne cherche les dignités que par le plaisir d’être élevé au-dessus des autres. Abad. L’ambitieux sacrifie tout à sa passion. Voyez un ambitieux, l’obscurité de son nom l’importune : il aime mieux périr, pourvu qu’il fasse du bruit en tombant. Du R. Sénéque étoit un ambitieux qui prétendoit à l’Empire. S. Evr. Catherine de Médicis étoit une ambitieuse, qui n’aspiroit qu’à régner souverainement. Alors il est toujours pris en mauvaise part. On a donné pour devise à un ambitieux, un Caméléon, Vescitur aurâ, il se nourrit d’air ; une chandelle, Luce perit fuâ ; une flamme Semper sursùm ; du feu, Splendet & absumit ; un oiseau dans une cage, Lesca mi dona, & libertà mi toglie.

On appelle en termes de Banquier en cour de Rome, une course ambitieuse, quand on envoie un courrier à Rome pour impétrer le bénéfice d’un homme qui n’est pas encore mort ; & quand cela est prouvé, l’impétration est nulle.

AMBITIEUSEMENT. adv. D’une manière ambitieuse. Ambitiosè. L’instruction morale ou politique, ne doit point être ambitieusement étalée. Vall. Ce n’étoit point un esprit de supériorité qui cherchât à s’élever ambitieusement au-dessus des autres. S. Evr.

Ambitieusement, se dit aussi figuré, du style, & signifie, pompeusement, avec enflure, & d’une manière trop élevée. Il a retenu son style dans une juste médiocrité, sans lui permettre de s’élever trop ambitieusement. Pell.

AMBITION. s. f. Passion déréglée qu’on a pour la gloire & pour la fortune. ☞ Passion qui nous porte avec excès à nous agrandir. Ambitio. L’amour propre se portant vers les dignités avec une passion qui choque la raison & la justice, se nomme ambition. Abad. Ambitio. L’ambition est un desir ardent de surpasser les autres en mérite & en gloire. Cail. L’ambition est une passion turbulente qui bouleverse tout, & qui sert de supplice à ceux-mêmes qui en sont tourmentés. Du R. Il y a aussi une honnête, une noble, une louable ambition, qui fait arriver aux honneurs par le chemin de la vertu. L’ambition d’Alexandre a ruiné toute l’Asie. Quoi ! s’écria S. Canut, lorsque les Danois s’offrirent à chasser son frere, & à le mettre sur le trône, quoi ! mon ambition désoleroit ma patrie ? Ah ! C’est Dieu qui dispose des couronnes, je ne la méritois pas, puisqu’il ne me l’a pas donnée. Ab. de Choisy. Il y a des gens qui ne renoncent à l’ambition que par paresse, & pour s’épargner les mouvemens, & les agitations qui en sont inséparables. S. Evr. L’ambition fait tout entreprendre pour acquérir l’estime des hommes ; & par-là il n’y a point de vertu si utile que cette folle passion. Du R. L’ambition, parce qu’elle est trop contraire au repos, n’est ni une passion générale, ni une passion délicieuse. Fonten. Le sage se guérit de l’ambition, par l’ambition même. La Bruy. Depuis que l’ambition s’est emparée d’un cœur, elle lui donne plus de désir d’acquérir la gloire, que de force pour la supporter. Le Gend. ☞ L’ambition est vice, ou vertu, selon le choix des moyens par lesquels les ambitieux vont à leur but.

☞ Ce mot quand il est seul, se prend ordinairement en mauvaise part, & ne peut être pris dans un sens favorable, que quand il est joint à quelque épithète qui le modifie, ou quand ce qui précède, ou ce qui suit le détourne de sa signification ordinaire. C’est ainsi qu’on dit une louable ambition, une noble ambition. Un bon Prince n’a d’autre ambition que de rendre ses sujets heureux.

☞ AMBITIONNER. v. a. rechercher avec empressement, avec ardeur. Ambire. Ambitionner les honneurs, les premières places, les dignités. Vaugelas n’approuve point ce mot. Tous ceux qui font profession de parler & d’écrire purement, l’ont toujours condamné. Tous les efforts qu’on a faits pour l’introduire, ont, dit-il, été inutiles, & il n’y a pas d’apparence qu’il s’établisse jamais. Il est si mauvais, ajoute-t-il, que même il ne vaut rien au participe, & que ceux qui rejettent le verbe, rejettent aussi ambitionné. Il ne déplaît pas moins au P. Bouhours. Ménage le trouve beau, & dit qu’il ne feroit point difficulté de s’en servir dans le style sublime. Vaugelas paroît avoir jugé ce mot trop rigoureusement. Il y a des occasions où il ne figure pas mal. On dit très bien, ambitionner les honneurs, &c.